La projection-discussion a mis en lumière les bienfaits et les défis de l’étude du cinéma à travers le prisme des neurosciences.
Hugo Samson
Le partenariat cinEXmedia a présenté, le 13 octobre dernier, dans le cadre du Festival du nouveau cinéma, l’événement « Le cerveau fait son cinéma », en partenariat avec l'Institut-hôpital neurologique de Montréa (le Neuro). Cette soirée, qui a débuté avec la projection du film Samsara (2023), du cinéaste galicien Lois Patiño, s’est conclue avec une table ronde portant sur les croisements entre les neurosciences et le cinéma ainsi que sur l’impact du rythme sur le cerveau humain.
Santiago Hidalgo, le directeur exécutif du Laboratoire CinéMédias, modérait la discussion qui réunissait trois chercheuses de l’Université de Montréal : Ana Inés Ansaldo, chercheuse en neurosciences de la communication et du vieillissement au Centre de recherche de l’Institut universitaire de gériatrie de Montréal ; Sarah Lippée, chercheuse en neurodéveloppement au CHU Sainte-Justine ; et Isabelle Raynauld, cinéaste, chercheuse en études cinématographiques et codirectrice du partenariat cinEXmedia.
Sciences et cinéma
Pour Santiago Hidalgo, l’idée de lier les sciences cognitives et le cinéma est née d’une situation personnelle. Dans son discours d’ouverture, il a raconté que lorsqu’il regardait des films récents avec ses enfants, ceux-ci souvent s’agitaient ou devenaient moins attentifs, alors qu’ils demeuraient tranquilles devant des films sortis il y a 50 ans. Comment expliquer une telle différence ?
De nombreuses études se sont intéressées à l’expérience cinématographique d’un point de vue neuroscientifique. Il a notamment été démontré que le nombre de coupes au montage dans les émissions télévisuelles peut exercer une influence importante sur les enfants qui présentent des symptômes d’hypersensibilité sensorielle.
La découverte des neurones miroirs par le chercheur italien Vittorio Gallese — qui participait, en mars dernier, aux « Grandes Conférences cinEXmedia » — a en outre permis de découvrir qu’il était possible de réduire l’anxiété chez les personnes atteintes de démence en les exposant, par le biais d’expériences audiovisuelles, à des émotions positives.
Ces deux exemples, qui ont été mis en lumière lors de la table ronde, démontrent l’importance de considérer les effets de l’expérience audiovisuelle sur le cerveau humain et de la concevoir comme un outil dont la portée s’étend au-delà du simple divertissement.
Les défis de la recherche interdisciplinaire
Santiago Hidalgo note cependant que « l’expérience cinématographique est difficile à étudier du point de vue scientifique, car les films peuvent être divisés en un trop grand nombre d’éléments distincts pour être étudiés dans des contextes cliniques et que les contexte cliniques nous éloignent des différents endroits où l’expérience cinématographique est normalement vécue ».
« Une projection de film est constituée d’une multitude d’éléments qui peuvent influer sur l’expérience cinématographique, ajoute-t-il. Il y a entre autres le film lui-même, l’expérience avec le public et le profil de chacun. »
L’étude des expériences cinématographiques et esthétiques étant de nature qualitative, il peut s’avérer difficile de l’intégrer aux méthodologies quantitatives pratiquées dans le domaine des sciences naturelles. « Bien qu’il soit possible d’identifier chaque élément individuel qui agit sur l’expérience cinématographique — le montage, les couleurs, les mouvements de caméra, les personnages, leurs expressions —, on risque toujours de perdre de vue le portrait global. »
Trouver des solutions novatrices
Combiner les arts et les sciences dans un contexte de recherche représente donc un défi de taille. Ce type de démarche s’est tout de même avéré fort enrichissant pour les chercheuses invitées à la table ronde.
Sarah Lippé a affirmé, par exemple, avoir ainsi trouvé des solutions novatrices et originales à des problèmes qui lui paraissaient à priori insolubles.
Ana Inés Ansaldo a quant à elle observé que ce type de recherche « incite à l’humilité ». Elle soutient que le fait de réunir de multiples perspectives au sein d’une même équipe ou laboratoire renforce le développement de « nouveaux langages » pour les chercheur·euses et leur permet de se confronter à des réalités inusitées.
Isabelle Raynauld, qui a réalisé deux documentaires sur le cerveau humain, a aussi souligné que le cinéma pouvait mettre en lumière la recherche scientifique et ses impacts sur nos sociétés.
Le cinéma lent
La table ronde portrait également sur le cinéma lent et ses effets sur le cerveau. Un film comme Samsara, qui appartient à ce genre cinématographique, « se présente comme un acte de résistance contre l’accélération de la vie », a déclaré Santiago Hidalgo. « Il nous permet, dit-il, d’être dans le présent et d’adopter un état de conscience plus méditatif et attentif. »
L’étude de ce type de cinéma s’inscrit dans la droite ligne des axes de recherche de cinEXmedia, dont l’un des objectifs est de mettre en lumière les effets thérapeutiques de l’expérience cinématographique.