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Étudier l’expérience cinématographique à travers le prisme des neurosciences, avec Vittorio Gallese

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Le pro­fes­seur de psy­cho­lo­gie et neu­ros­cience cog­ni­tive Vit­to­rio Gal­lese, membre de cinEX­me­dia, a inau­gu­ré un nou­veau cycle de confé­rences pour le par­te­na­riat.

Oli­vier Du Ruis­seau et Lou Andrysiak

Le par­te­na­riat cinEX­me­dia inau­gu­rait, le 29 mars der­nier, le cycle des « Grandes Confé­rences cinEX­me­dia ». Lors de cet évé­ne­ment, qui s’est tenu dans les locaux du pavillon Lio­nel-Groulx de l’Université de Mont­réal, le cher­cheur et pro­fes­seur ita­lien Vit­to­rio Gal­lese a pré­sen­té ses plus récentes recherches qui portent sur la manière dont on peut étu­dier l’expérience ciné­ma­to­gra­phique à l’aide de modèles neuroscientifiques.

Inti­tu­lée « Com­prendre l’expérience ciné­ma­to­gra­phique par le prisme de la simu­la­tion incar­née », cette pre­mière confé­rence a été sui­vie, le len­de­main, par une seconde pré­sen­ta­tion du pro­fes­seur Gal­lese au Centre de recherche de l'Institut uni­ver­si­taire de géria­trie de Mont­réal (CRIUGM).

Ce deuxième expo­sé, inti­tu­lé « La simu­la­tion incar­née, vec­teur de cog­ni­tion sociale », por­tait plus lar­ge­ment sur l’analyse des inter­ac­tions sociales d’un point de vue neu­ros­cien­ti­fique. Le cher­cheur y a étu­dié les manières dont l’empathie se déve­loppe dans le cer­veau humain et dont nos rela­tions avec autrui façonnent la construc­tion de notre iden­ti­té et notre concep­tion de soi.

Ciné­ma et neurosciences

« Le corps humain joue un rôle cen­tral dans la cog­ni­tion sociale, a conclu Vit­to­rio Gal­lese, au terme de sa confé­rence du 30 mars. C’est l’une des seules choses dont je suis abso­lu­ment cer­tain. Notre corps crée des condi­tions incons­cientes intrin­sèques qui déter­minent notre expé­rience du monde. »

Ce constat s’inscrit à la base de modèles neu­ros­cien­ti­fiques com­plexes que le cher­cheur a défi­nis lors de ses deux pré­sen­ta­tions, les­quelles ont été accueillies avec beau­coup d’enthousiasme par le public montréalais.

Lors de la confé­rence du 29 mars, le pro­fes­seur Gal­lese a expli­qué com­ment, selon lui, des « inter­ac­tions corps-cer­veau » s’activent de façon pré­cise lorsque nous sommes confronté·es à des images ciné­ma­to­gra­phiques. Le cher­cheur estime en effet que le ciné­ma sus­cite des réac­tions simi­laires chez les indi­vi­dus à celles obser­vées lors d’interactions sociales directes avec d’autres êtres humains. C’est du moins ce qu’il a ten­té de démon­trer avec son livre The Empa­thic Screen : Cine­ma and Neu­ros­cience, qu’il a coécrit avec Michele Guer­ra et publié aux presses de l'Université d'Oxford en 2019.

Le champ d’études de Vit­to­rio Gal­lese, à l’intersection des études ciné­ma­to­gra­phiques et des neu­ros­ciences, demeure rela­ti­ve­ment inédit. Lors de sa confé­rence à l’Université de Mont­réal, le cher­cheur a donc pris le soin d’expliquer sa métho­do­lo­gie à son audi­toire. Ceci l’a mené, entre autres, à évo­quer le fait qu’il avait eu recours à l’électroencéphalographie pour mesu­rer les réponses du cer­veau de ses étu­diants et étu­diantes au vision­ne­ment de cer­taines scènes de films. Il a tou­te­fois conve­nu qu’il était presque impos­sible de com­prendre com­ment tous les fac­teurs poten­tiels, comme l’environnement dans lequel les tests sont effec­tués et les émo­tions des sujets au préa­lable, peuvent influen­cer les résultats.

Ces défis sont sur­tout per­çus par le cher­cheur comme des pistes de réflexion pro­met­teuses pour de futures recherches. Le modèle de la « simu­la­tion incar­née », tel qu’appliqué au ciné­ma par le pro­fes­seur Gal­lese, demeure néan­moins pro­fon­dé­ment nova­teur et ses expé­riences, uniques au monde.

Une « nou­velle ère collaborative » 

Le par­te­na­riat cinEX­me­dia, dans le cadre duquel s’inscrivent les confé­rences de Vit­to­rio Gal­lese, est une nou­velle infra­struc­ture de recherche du labo­ra­toire de recherche Ciné­Mé­dias de l’Université de Mont­réal. Celle-ci est menée conjoin­te­ment avec des groupes de recherche inter­dis­ci­pli­naires internationaux.

Selon San­tia­go Hidal­go, pro­fes­seur au dépar­te­ment d’histoire de l’art et d’études ciné­ma­to­gra­phiques de l’Université de Mont­réal et direc­teur exé­cu­tif du par­te­na­riat, cinEX­me­dia per­met de mieux com­prendre « la place que les expé­riences ciné­ma­to­gra­phiques occupent dans nos vies à dif­fé­rents niveaux ». Il sou­haite ain­si « étu­dier leur rôle dans la socié­té pour créer des com­mu­nau­tés plus inclu­sives, par le déve­lop­pe­ment de pro­grammes visant à rendre le ciné­ma acces­sible à divers publics ».

Ce pos­tu­lat, évo­qué lors d’un 5 à 7 fai­sant suite à la confé­rence du 29 mars, ren­voie aux dif­fé­rentes ini­tia­tives mises sur pied par le par­te­na­riat. Isa­belle Ray­nauld, codi­rec­trice de cinEX­me­dia, a d’ailleurs pré­ci­sé, lors de cette soi­rée, que le par­te­na­riat s’intéresse entre autres aux outils ciné­ma­to­gra­phiques qui visent à com­bler les besoins de clien­tèles ciblées, comme l’audiodescription et la vidéo­des­crip­tion, pour les per­sonnes vivant avec un han­di­cap visuel ou auditif.

Ce pos­tu­lat, évo­qué lors d'un 5 à 7 fai­sant suite à la confé­rence du 29 mars, ren­voie aux dif­fé­rentes ini­tia­tives mises sur pied par le par­te­na­riat. Isa­belle Ray­nauld, codi­rec­trice de cinEX­me­dia, a d'ailleurs men­tion­né l'un de ses pro­jets de docu­men­taire en pré­pa­ra­tion durant cette soi­rée. Dans ce contexte, elle s'intéressera à l'influence de l'opéra sur le cer­veau au sein de dif­fé­rents groupes de per­sonnes. Ce film com­plé­te­ra une tri­lo­gie de docu­men­taires cen­trés sur l'étude des acti­vi­tés céré­brales avec De la musique pour le cer­veau (Ray­nauld, 2019) et Le cer­veau mys­tique (Ray­nauld, 2006).

Marie-Josée Hébert, vice-rec­trice à la recherche, à la décou­verte, à la créa­tion et à l’innovation, a quant à elle sou­li­gné l’importance de cinEX­me­dia pour l’Université de Mont­réal. Selon elle, « cette expé­rience émi­nem­ment humaine » per­met d’« explo­rer comme jamais aupa­ra­vant les clés du ciné­ma » et nous fait entrer dans « une nou­velle ère collaborative ».