Un numériseur de pellicule pour revaloriser le patrimoine cinématographique de l’Université de Montréal 

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Ins­tal­lé au Labo­ra­toire Ciné­Mé­dias, ce nou­vel outil à la fine pointe de la tech­no­lo­gie per­met la res­tau­ra­tion de films à des fins de recherche, de conser­va­tion et de créa­tion.

Louis Pel­le­tier | Le numé­ri­seur de pel­li­cule ins­tal­lé au Labo­ra­toire CinéMédias

Le Labo­ra­toire Ciné­Mé­dias s’est récem­ment doté d’un numé­ri­seur de pel­li­cule à la fine pointe de la tech­no­lo­gie grâce à l’obtention d’une bourse du Fonds des lea­ders John-R.-Evans de la Fon­da­tion cana­dienne pour l’innovation (FCI). Ce nou­vel outil appuie­ra divers pro­jets du labo­ra­toire et de la Chaire de recherche du Cana­da en études ciné­ma­to­gra­phiques et média­tiques. Il per­met­tra éga­le­ment de numé­ri­ser la vaste col­lec­tion de films 16 mm de l’université afin de la rendre acces­sible en ligne.

« Cette acqui­si­tion place le labo­ra­toire comme chef de file pour tout ce qui concerne le patri­moine ciné­ma­to­gra­phique », sou­tient Louis Pel­le­tier, cher­cheur au Labo­ra­toire Ciné­Mé­dias et spé­cia­liste de l’histoire tech­nique du ciné­ma. En effet, le numé­ri­seur sera non seule­ment utile aux professionnel·les de recherche, mais il sera aus­si mis à la dis­po­si­tion des étudiant·es dans le cadre d’un micro­pro­gramme en archives et patri­moine ciné­ma­to­gra­phiques qui doit voir le jour d’ici quelques années. 

Pour l’heure, ce pré­cieux outil — on n’en compte qu’une poi­gnée au Cana­da — a déjà fait ses preuves. De pre­miers films de la col­lec­tion de l’Université de Mont­réal ont déjà été numé­ri­sés et des cen­taines d’autres devraient suivre. Ils seront éven­tuel­le­ment dif­fu­sés en libre accès sur Cadavre Exquis, une pla­te­forme asso­ciée à la revue numé­rique Hors Champ qui sera lan­cée dans les pro­chains mois et dont André Habib, membre de cinEXmedia, assu­re­ra la direction. 

Le pro­fes­seur Habib était d’ailleurs l’un des cocher­cheurs de la demande de sub­ven­tion à la FCI, avec San­tia­go Hidal­go et André Gau­dreault (cher­cheur prin­ci­pal), codi­rec­teurs du Labo­ra­toire Cinémédias.

« Redé­fi­nir le cinéma »

Ces films sont issus de la col­lec­tion audio­vi­suelle de la biblio­thèque, des archives ou encore des dépar­te­ments de l’université. L’ensemble de la col­lec­tion com­porte un très large éven­tail d’objets — cer­tains datant du début du XXe siècle —, incluant des films scien­ti­fiques ou édu­ca­tifs ain­si que des films étu­diants et du maté­riel pro­mo­tion­nel de l’université.

« Il est impor­tant de redé­fi­nir le ciné­ma que l’on veut valo­ri­ser, sur­tout dans un contexte qué­bé­cois, où le ciné­ma de fic­tion est arri­vé plus tar­di­ve­ment, estime Louis Pel­le­tier. Ces films-là peuvent être des docu­ments inté­res­sants du point de vue de la recherche, mais aus­si de beaux objets d’art. »

Le cher­cheur cite, à titre d’exemple, la « micro­ci­né­ma­to­gra­phie » d’Albert Caron, dit Père Venance. « Ce scien­ti­fique qué­bé­cois fil­mait des microor­ga­nismes à l’aide d’une camé­ra 16 mm com­bi­née à un micro­scope entre les années 1930 et 1950. Ses films, qui appar­tiennent aujourd’hui à l’université, incarnent l’histoire de la recherche scien­ti­fique au Qué­bec. Ils racontent com­ment on s’est appro­prié de nou­velles tech­no­lo­gies pour l’enseignement, en plus de rece­ler un grand poten­tiel de réem­ploi pour les artistes. »

Cer­tains films de la col­lec­tion, et notam­ment des films pro­mo­tion­nels, montrent des per­son­na­li­tés publiques qué­bé­coises dans leur jeu­nesse, comme le cinéaste Denys Arcand ou l’animatrice Chris­tiane Cha­rette. Le cinéaste Jean-Marc Val­lée, qui a étu­dé en études ciné­ma­to­gra­phiques à l'Université de Mont­réal dans les années 1990, signe quant à lui la direc­tion de la pho­to­gra­phie d’une pro­duc­tion étudiante.

Cinéaste non identifié·e | Image tirée du film La terre de Dieu

Louis Pel­le­tier est par­ti­cu­liè­re­ment fier de sa res­tau­ra­tion de La terre de Dieu, un film tour­né dans la com­mu­nau­té crie de Chi­sa­si­bi au début des années 1950. « Je l’ai fait numé­ri­ser en me disant que c’était non seule­ment un beau film, mais qu’il devait avoir une valeur his­to­rique, en rai­son de la rare­té des films tour­nés dans la région, sur­tout à cette époque. Fina­le­ment, il a trou­vé son public sur You­Tube : plus de 5000 per­sonnes l’ont vu. Une mai­son de pro­duc­tion de télé­vi­sion m’a même contac­té pour l’utiliser dans une émis­sion du Réseau de télé­vi­sion des peuples autoch­tones. Ça illustre à quel point la numé­ri­sa­tion de films d’archives peut faire œuvre utile. »

Tech­no­lo­gie laser

Le numé­ri­seur de l’Université de Mont­réal se com­pare presque aux outils les plus per­for­mants dans le domaine, tels que ceux que l’on peut retrou­ver à l’Office natio­nal du film du Cana­da. « Pour évi­ter de s’accrocher à la pel­li­cule et de ris­quer de l’endommager, l’appareil uti­lise un rayon laser pour repé­rer cha­cune des per­fo­ra­tions et don­ner l’ordre de faire une cap­ture de chaque image, explique Louis Pel­le­tier. C’est l’idéal pour les films d’archives, qui sont sou­vent plus fragiles. »

L’outil n’est pas adap­té pour le for­mat 35 mm, mais peut numé­ri­ser des pel­li­cules 16 mm, Super 16, 8, Super 8 et 9,5. « Peu importe le for­mat, la numé­ri­sa­tion est de très haut niveau en termes de qua­li­té, résume le cher­cheur. La plu­part des films de l’université sont en 16 mm ; le numé­ri­seur est donc tout à fait appro­prié pour l’utilisation qu’on en fait. »

Le fait de se ser­vir d’outils numé­riques dans la res­tau­ra­tion des films peut aus­si, dans cer­tains cas, rehaus­ser l’expérience du spec­ta­teur ou de la spec­ta­trice, conclut Louis Pel­le­tier. « Je suis un puriste : je pense qu’il faut conti­nuer de pro­je­ter des films sur pel­li­cules, mais par­fois, ça peut être utile de numé­ri­ser des films pour les édi­ter et en cor­ri­ger les dégra­da­tions de cou­leurs, par exemple. Ça per­met aus­si de rendre les films acces­sibles au plus grand nombre, et c’est vrai­ment ce qu’on compte faire avec notre collection. »