Installé au Laboratoire CinéMédias, ce nouvel outil à la fine pointe de la technologie permet la restauration de films à des fins de recherche, de conservation et de création.
Olivier Du Ruisseau
Le Laboratoire CinéMédias s’est récemment doté d’un numériseur de pellicule à la fine pointe de la technologie grâce à l’obtention d’une bourse du Fonds des leaders John-R.-Evans de la Fondation canadienne pour l’innovation (FCI). Ce nouvel outil appuiera divers projets du laboratoire et de la Chaire de recherche du Canada en études cinématographiques et médiatiques. Il permettra également de numériser la vaste collection de films 16 mm de l’université afin de la rendre accessible en ligne.
« Cette acquisition place le laboratoire comme chef de file pour tout ce qui concerne le patrimoine cinématographique », soutient Louis Pelletier, chercheur au Laboratoire CinéMédias et spécialiste de l’histoire technique du cinéma. En effet, le numériseur sera non seulement utile aux professionnel·les de recherche, mais il sera aussi mis à la disposition des étudiant·es dans le cadre d’un microprogramme en archives et patrimoine cinématographiques qui doit voir le jour d’ici quelques années.
Pour l’heure, ce précieux outil — on n’en compte qu’une poignée au Canada — a déjà fait ses preuves. De premiers films de la collection de l’Université de Montréal ont déjà été numérisés et des centaines d’autres devraient suivre. Ils seront éventuellement diffusés en libre accès sur Cadavre Exquis, une plateforme associée à la revue numérique Hors Champ qui sera lancée dans les prochains mois et dont André Habib, membre de cinEXmedia, assurera la direction.
Le professeur Habib était d’ailleurs l’un des cochercheurs de la demande de subvention à la FCI, avec Santiago Hidalgo et André Gaudreault (chercheur principal), codirecteurs du Laboratoire Cinémédias.
« Redéfinir le cinéma »
Ces films sont issus de la collection audiovisuelle de la bibliothèque, des archives ou encore des départements de l’université. L’ensemble de la collection comporte un très large éventail d’objets — certains datant du début du XXe siècle —, incluant des films scientifiques ou éducatifs ainsi que des films étudiants et du matériel promotionnel de l’université.
« Il est important de redéfinir le cinéma que l’on veut valoriser, surtout dans un contexte québécois, où le cinéma de fiction est arrivé plus tardivement, estime Louis Pelletier. Ces films-là peuvent être des documents intéressants du point de vue de la recherche, mais aussi de beaux objets d’art. »
Le chercheur cite, à titre d’exemple, la « microcinématographie » d’Albert Caron, dit Père Venance. « Ce scientifique québécois filmait des microorganismes à l’aide d’une caméra 16 mm combinée à un microscope entre les années 1930 et 1950. Ses films, qui appartiennent aujourd’hui à l’université, incarnent l’histoire de la recherche scientifique au Québec. Ils racontent comment on s’est approprié de nouvelles technologies pour l’enseignement, en plus de receler un grand potentiel de réemploi pour les artistes. »
Certains films de la collection, et notamment des films promotionnels, montrent des personnalités publiques québécoises dans leur jeunesse, comme le cinéaste Denys Arcand ou l’animatrice Christiane Charette. Le cinéaste Jean-Marc Vallée, qui a étudé en études cinématographiques à l'Université de Montréal dans les années 1990, signe quant à lui la direction de la photographie d’une production étudiante.
Louis Pelletier est particulièrement fier de sa restauration de La terre de Dieu, un film tourné dans la communauté crie de Chisasibi au début des années 1950. « Je l’ai fait numériser en me disant que c’était non seulement un beau film, mais qu’il devait avoir une valeur historique, en raison de la rareté des films tournés dans la région, surtout à cette époque. Finalement, il a trouvé son public sur YouTube : plus de 5000 personnes l’ont vu. Une maison de production de télévision m’a même contacté pour l’utiliser dans une émission du Réseau de télévision des peuples autochtones. Ça illustre à quel point la numérisation de films d’archives peut faire œuvre utile. »
Technologie laser
Le numériseur de l’Université de Montréal se compare presque aux outils les plus performants dans le domaine, tels que ceux que l’on peut retrouver à l’Office national du film du Canada. « Pour éviter de s’accrocher à la pellicule et de risquer de l’endommager, l’appareil utilise un rayon laser pour repérer chacune des perforations et donner l’ordre de faire une capture de chaque image, explique Louis Pelletier. C’est l’idéal pour les films d’archives, qui sont souvent plus fragiles. »
L’outil n’est pas adapté pour le format 35 mm, mais peut numériser des pellicules 16 mm, Super 16, 8, Super 8 et 9,5. « Peu importe le format, la numérisation est de très haut niveau en termes de qualité, résume le chercheur. La plupart des films de l’université sont en 16 mm ; le numériseur est donc tout à fait approprié pour l’utilisation qu’on en fait. »
Le fait de se servir d’outils numériques dans la restauration des films peut aussi, dans certains cas, rehausser l’expérience du spectateur ou de la spectatrice, conclut Louis Pelletier. « Je suis un puriste : je pense qu’il faut continuer de projeter des films sur pellicules, mais parfois, ça peut être utile de numériser des films pour les éditer et en corriger les dégradations de couleurs, par exemple. Ça permet aussi de rendre les films accessibles au plus grand nombre, et c’est vraiment ce qu’on compte faire avec notre collection. »