L’événement a permis de porter un regard humaniste sur les changements que les nouvelles technologies imposent aux arts de la scène.
Hugo Samson
Du 1er au 3 juin dernier, la Grande Bibliothèque de BAnQ accueillait le colloque international et interdisciplinaire « Réinventer la scène. Innovation, création, diffusion ». Coorganisé par le partenariat cinEXmedia, l’événement se voulait une réflexion sur la redéfinition de l’espace scénique à la lumière des récentes avancées technologiques.
« Où en sommes-nous, aujourd’hui, avec les arts du spectacle ? » demandait, lors de l’ouverture du colloque, Ana Sokolović, compositrice, professeure à la faculté de musique de l’Université de Montréal et co-organisatrice de l’événement.
Cette question, elle la posait à un autre des co-organisateur·rices du colloque, Olivier Asselin, qui est pour sa part professeur au département d’histoire de l’art et d’études cinématographiques de l’Université de Montréal. « La scène, entendue comme unité de lieu et de temps et comme espace de rencontre entre un spectacle et un public, est aujourd’hui une question ouverte qui concerne tous les arts », a-t-il répondu.
Dans les communications qui ont suivi, c’est sur cette question ouverte que les participant·es au colloque « Réinventer la scène » se sont penché·es, chacun·e à leur manière.
Un événement dans l’air du temps
La présence physique d’un public dans un lieu commun a souvent été invoquée pour définir les arts de la scène. Théâtre, musique classique, opéra, cirque… ces pratiques artistiques sont généralement caractérisées par la scène sur laquelle elles se déploient. Toutefois, dans le contexte actuel, où l’on observe de nombreux changements technologiques, cette définition est en train de changer.
Pour Olivier Asselin, « il y a toujours eu des expériences, surtout dans l’art moderne, des remises en question de l’idée selon laquelle les arts de la scène doivent se définir autour d’une co-présence, dans un même lieu, autour d’une scène […], mais la pandémie a radicalisé tout ça. »
De nouvelles formes de performances interactives sont notamment nées de la nouvelle écologie de la scène engendrée par la pandémie. Bon nombre de communications ont ainsi traité de l’espace domestique et de sa reconfiguration à la suite des récents confinements. « On a vu beaucoup d’expériences qui amenaient le théâtre dans l’espace domestique des gens, par Zoom ou physiquement, et qui attribuaient des rôles théâtraux aux personnes, soutient le professeur. On les intègre dans l’histoire : les spectateur·rices jouent des rôles actifs dans la modification du récit. »
Pour Olivier Asselin, le colloque était l’occasion de constater que les créateur·rices et les diffuseur·euses des arts scéniques ont su reconnaître le potentiel des nouvelles technologies et qu’ils·elles ont découvert, grâce à elles, de riches moyens d’expression.
Conformément à l’un des axes de recherche de cinEXmedia, qui a entre autres pour but d’examiner les effets thérapeutiques de l’expérience audiovisuelle, le colloque abordait des thématiques d’inclusivité, d’accessibilité et de diversité. « Les arts sont aussi une manière de distribuer les pouvoirs et de partager l’espace sensible », avance Oliver Asselin. Lors de l’événement, les participant·es se sont donc intéressé·es à l’idée selon laquelle les nouvelles technologies peuvent ouvrir davantage les pratiques artistiques et représenter plus fidèlement le public qui s’en nourrit.
Des conférences en tous genres
Un assortiment pluridisciplinaire composé d’une trentaine de chercheur·euses, de producteur·rices, de diffuseur·euses et de créateur·rices francophones et anglophones animait ce colloque, qui présentait non seulement des conférences et des tables rondes, mais aussi des séances de démonstration ainsi que des conférences-performances inédites par des artistes tel·les Gabo Champagne (Naissances) et Marie-Annick Béliveau (Mezzosoprano 2.0).
« Un dialogue [entre les disciplines] a rapidement pu être établi grâce à l’objet matériel que nous avions en commun : la scène, explique le professeur Asselin. Les technologies qui ont été utilisées dans les vingt ou trente dernières années par les artisan·es de toutes les disciplines [scéniques] sont aussi les mêmes », ce qui a facilité leur intégration lors des discussions. Le colloque couvrait donc le théâtre, la danse, la musique, la performance et le cinéma, entre autres.
Une note d’espoir
Quand on lui demande les conclusions qu’il tire du colloque, Olivier Asselin répond avec une note d’espoir. « On peut porter un regard humaniste sur le problème des rapports entre technologie(s) et scène. Certain·es disent qu’aussitôt qu’il y a des technologies sur scène, on perd quelque chose […]. Le paradoxe [dans ce constat], c’est que la présence physique de nos ami·es, des gens qu’on aime, on l’oublie, dans le fond. Et la technologie est là non seulement pour créer de nouveaux types de présence, mais aussi pour nous faire ressentir encore mieux la présence non médiée. »