Le partenariat cinEXmedia s’associe à l’ONF pour présenter des films thérapeutiques à l’intention de personnes aînées.
Olivier Du Ruisseau
Regroupant plus de 14 000 titres, la collection de l’Office national du film du Canada (ONF) est l’une des plus importantes au pays. Depuis quelques mois, des chercheur·ses de cinEXmedia et de l’Institut universitaire de gériatrie de l’Université de Montréal (CRIUGM) collaborent avec l’agence fédérale afin de présenter des films thérapeutiques issus de sa collection à l’intention de personnes aînées, dans le cadre de cinq projections cette année.
Les organismes souhaitent ainsi constituer un catalogue de films thérapeutiques et éventuellement le rendre disponible sur une plateforme numérique, une initiative qui promet d’ouvrir de nouvelles avenues à la recherche intersectorielle combinant études cinématographiques et sciences de la santé.
« Notre démarche rappelle le Projet Lumière, que cinEXmedia a lancé avec le Centre de recherche de l’Institut universitaire de gériatrie de Montréal (CRIUGM), explique Marie-Odile Demay, chercheuse postdoctorale chargée du projet en collaboration avec l’ONF. Il vise à mesurer les effets d’extraits audiovisuels sur le cerveau de personnes âgées. Bien que nous n’ayons pas encore obtenu tous les résultats de cette expérience, nous avons déjà été en mesure de formuler des constats intéressants. »
C’est d’ailleurs depuis les débuts du projet Lumière que cinEXmedia ambitionne de mettre sur pied une banque de films qui puisse s’inspirer de ses résultats. Rapidement, l’ONF s’est imposé comme un partenaire de choix. « Non seulement la collection de l’ONF est impressionnante, affirme Marie-Odile Demay, mais l’organisme est particulièrement bien outillé pour nous aider à créer un programme de films représentatifs de la réalité des personnes âgées canadiennes et susciter chez eux des souvenirs, puisque son catalogue met en images des histoires canadiennes depuis les années 1940. À terme, on souhaite créer des programmes non seulement pour les personnes âgées autonomes comme on le fait présentement, mais également pour les personnes en situation de démence ainsi que pour leurs proches aidant·es, dont les parents, les ergothérapeutes et les psychologues. »
Souvenirs thérapeutiques
Conformément aux résultats du projet Lumière, la détente et le rire figuraient initialement parmi les principaux effets que cinEXmedia souhaitait produire avec son catalogue. Or, si Marie-Odile Demay et son équipe tentent encore de sélectionner des films qui peuvent induire le bien-être chez les spectateurs, elle souhaite surtout, désormais, éveiller chez eux des souvenirs et les amener, à partir de ceux-ci, à communiquer leur vécu et ainsi donner une voix aux personnes âgées qui sont souvent marginalisées.
« La collection de l’ONF regorge de films qui traitent d’événements historiques chers aux personnes aînées du Canada, dit-elle. Avec des films qui parlent de l’Expo 67 ou du voyage de la reine Élisabeth II au pays, par exemple, on peut leur rappeler des souvenirs et produire par conséquent des effets thérapeutiques. On souhaite, en parallèle, présenter des films qui représentent des communautés culturelles établies au Québec depuis longtemps, notamment des Haïtiens et des Italiens. Nous espérons que notre sélection pourra rejoindre le plus grand nombre. »
Pour l’heure, cinq projections sont prévues afin de tester, avec de questionnaires et de discussions guidées, les réponses des participants aux contenus proposés par les deux organismes. La première devrait avoir lieu en décembre à la salle de projection de l’ONF pour une diffusion grand public et auprès des habitants du Quartier des spectacles de Montréal. Les autres seront organisées aux deux mois et annoncées ultérieurement. L’objectif de ces projections est de mesurer à l’aide des questionnaires anonymes la valeur de réminiscence des films choisis.
« Ciné-thérapie »
Ce projet s’inscrit dans une tradition de « ciné-thérapie » qui remonte aux années 1980, souligne Marie-Odile Demay : « Des études sont faites depuis longtemps sur les bienfaits du cinéma lorsqu’il nous ramène à nos souvenirs d’enfance ou à des moments marquants de notre vie. Tant par leur contenu que par leur forme, les films peuvent évoquer aux patient·es des souvenirs marquants de leur vie, comme ce fils allé à la guerre, ce moment marquant d’immigration au pays ou tout simplement cette vie de quartier, comme dans À Saint-Henri le cinq septembre de (Hubert Acquin, 1962 — see photo). Ainsi éveillés, les souvenirs peuvent être un vecteur de partage et aider des personnes marginalisées ou souffrant de troubles cognitifs à sortir de leur isolement. Les possibilités thérapeutiques sont donc immenses. »
La chercheuse ignore à quel moment une plateforme numérique pourrait voir le jour, puisque « le projet est encore en cours et qu’il reste à compléter la banque de films ». « Dans les prochaines semaines, précise-t-elle, nous travaillerons en étroite collaboration avec les responsables de la collection de l’ONF et l’équipe du Lab Innovation de l’ONF afin d’identifier et de sélectionner des films s’inscrivant dans des grandes thématiques comme les moments historiques mémorables ; des histoires représentatives du cycle de la vie ; ou des films portant sur des activités sportives ou la vie sociale. Combinée à notre expertise en cinéma, cette collaboration avec l’équipe de l’ONF et avec les chercheurs du GRIUGM nous permet donc de bien cibler les meilleurs films ciné-thérapeutiques pour notre public cible et éventuellement donner suite au projet de point d’accès numérique pour le plus grand nombre. »
« C’est un privilège d’avoir la chance de travailler sur ce projet, conclut Marie-Odile Demay. Il permet des débouchés pratiques à des recherches plus théoriques sur le cinéma, la santé et le vieillissement. »