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Appel de textes - Nouvelles Vues - Intercultural Encounters

Sous la direction de

Mer­cé­dès Baillar­geon (Uni­ver­si­ty of Mary­land) et Karine Ber­trand (Queen’s University)

Description

Dans un article de 2008, Denis Bachand décla­rait que l’interculturalité était un des deux motifs prin­ci­paux qui se déga­geaient de la pro­duc­tion ciné­ma­to­gra­phique qué­bé­coise du XXIe siècle, en se pré­sen­tant comme un vec­teur du ques­tion­ne­ment iden­ti­taire, enjeu si cher au ciné­ma québécois[1]. En effet, si les deux der­nières décen­nies s’avèrent riches en exemples de pro­duc­tions qui démontrent clai­re­ment les enjeux propres au mul­ti­cul­tu­ra­lisme et à l’identité qué­bé­coise (Lit­to­ral, Moua­wad, 2004 ; Home, Katra­pa­ni, 2002), cette pro­blé­ma­tique est pré­sente sur les écrans qué­bé­cois depuis plus de soixante ans, avec des films tels que À tout prendre (1963) de Claude Jutra, Mémoire bat­tante (1983) d’Arthur Lamothe et Com­ment faire l’amour avec un nègre sans se fati­guer (1989) de Jacques Benoit. Plus récem­ment, un numé­ro spé­cial de Contem­po­ra­ry French Civi­li­za­tion réité­rait cette affir­ma­tion vou­lant que le ciné­ma qué­bé­cois contem­po­rain se penche désor­mais sur les ques­tions d’identité, de culture et d’identification en lien avec un trans­na­tio­na­lisme de plus en plus pré­gnant dans le milieu du cinéma[2].

Ce phé­no­mène est par ailleurs ren­du pos­sible par l’ouverture phy­sique et sym­bo­lique de fron­tières internes/externes du Qué­bec et de sa pro­duc­tion ciné­ma­to­gra­phique. D’une part, les vingt-cinq der­nières années connaissent un boom de copro­duc­tions (France, Bel­gique, etc.) tan­dis que, d’autre part, les cinéastes deviennent de plus en plus mobiles (pen­sons à Xavier Dolan, en France et aux États-Unis, ain­si qu’à Jean-Marc Val­lée, qui a main­te­nant réa­li­sé plus de trois films et une série HBO aux États-Unis). L’ouverture des fron­tières et une immi­gra­tion crois­sante ont, de plus, chan­gé le visage du ciné­ma qué­bé­cois. On remarque aus­si une recon­nais­sance et une inté­gra­tion de plus en plus grande de la diver­si­té exis­tant déjà sur le ter­ri­toire qué­bé­cois, avec l’explosion des ciné­mas autoch­tone et anglo-mont­réa­lais, par exemple. Ces nou­velles réa­li­tés poli­tiques et cultu­relles poussent ain­si de plus en plus le Qué­bec à envi­sa­ger le natio­na­lisme selon les modes de l’ouverture et de la déter­ri­to­ria­li­sa­tion des cultures[3].

Dans ce contexte, l’émergence, au cours des dix der­nières années, d’un ciné­ma autoch­tone et d’un ciné­ma migrant reflé­tant le cli­mat poli­tique et social d’une pro­vince qui s’interroge davan­tage sur sa place en tant que colo­ni­sa­trice (Com­mis­sion véri­té et récon­ci­lia­tion oblige) et terre d’accueil (Com­mis­sion Bou­chard-Tay­lor, Loi sur la laï­ci­té de l’État) a gran­de­ment contri­bué à cette recon­fi­gu­ra­tion du ciné­ma au Qué­bec, les cinéastes autoch­tones et migrants se posi­tion­nant comme des agents média­teurs qui font le pont entre la culture d’origine et la terre d’accueil, entre le ter­ri­toire ances­tral et ce qui se situe à l’extérieur de ses fron­tières. Dans de nom­breux cas, les œuvres issues de ces créa­teurs portent les cou­leurs métis­sées de cultures qui s’imprègnent de l’ici et de l’ailleurs, et voient le jour grâce à ces ren­contres avec « l’autre » – un terme uti­li­sé entre autres par Bill Mar­shall pour qua­li­fier les peuples autoch­tones et les immi­grants du Qué­bec, en regard aux pro­blé­ma­tiques reliées au natio­na­lisme qué­bé­cois et aux ques­tions d’identité[4].

C’est ain­si que nous voyons peu à peu s’esquisser les contours redes­si­nés d’une indus­trie et d’un art qui prônent davan­tage de diver­si­té et de col­la­bo­ra­tion dans l’élaboration de pay­sages ciné­ma­to­gra­phiques hété­ro­gènes, et qui amènent les cinéastes à explo­rer les concepts d’identité et de nation selon de nou­veaux cri­tères éthiques (mode de pro­duc­tion) et esthé­tiques (nar­ra­tion, thé­ma­tiques, etc.). En effet, que ce soit à tra­vers des col­la­bo­ra­tions entre cinéastes en pro­ve­nance d’horizons divers (par exemple Marie-Hélène Cou­si­neau et le col­lec­tif de femmes inuites Arnait Video) ou par la créa­tion d’œuvres cher­chant à faire le pont entre l’ici et l’ailleurs (Anti­gone de Sophie Deraspe, 2019 ; Inch’Allah, Anaïs Bar­beau-Lava­lette, 2012 ; Trois his­toires d’Indiens, Robert Morin, 2014), le ciné­ma qué­bé­cois et son indus­trie mul­ti­plient depuis quelques années les occa­sions de ren­contres inter­cul­tu­relles réelles et sym­bo­liques, en les finan­çant davan­tage et en don­nant une meilleure visi­bi­li­té aux iden­ti­tés plu­rielles. Cette inté­gra­tion de l’autre, dans les œuvres ayant vu le jour dans la der­nière décen­nie, contri­bue à l’hybridation du ciné­ma qué­bé­cois, et l’amène à se redé­fi­nir et à élar­gir sa défi­ni­tion de qui est « Qué­bé­cois », une ques­tion que se posait déjà le cinéaste Pierre Per­rault en 1970 (Un pays sans bon sens).

De même, les récits nés de ces col­la­bo­ra­tions, qui se font par­fois fils conduc­teurs entre le pas­sé et le pré­sent, par­ti­cipent à l’émergence de nou­veaux ques­tion­ne­ments sur la nation et sur l’identité composée[5] (Maa­louf, 1998) enga­geant ain­si les nou­velles géné­ra­tions comme les plus âgées dans un dia­logue plus large sur la mémoire cultu­relle (La val­lée des larmes, Maryanne Zéhil, 2012 ; Incen­dies, Denis Villeneuve,2010).

C’est dans cette optique que Nou­velles vues sol­li­cite pour son 22e numé­ro, inti­tu­lé « Ren­contres inter­cul­tu­relles », des pro­po­si­tions d’articles trai­tant de ces diverses col­la­bo­ra­tions entre cinéastes autoch­tones, cinéastes migrants et qué­bé­cois, et d’une hybri­da­tion et d’un cos­mo­po­li­tisme des ima­gi­naires qué­bé­cois, dans un contexte où l’identité natio­nale est en muta­tion constante, nou­velles géné­ra­tions aidant. Les pro­po­si­tions pour­ront trai­ter plus spécifiquement :

  • des ciné­mas autoch­tones et/ou migrants et des partenariats/collaborations avec des cinéastes du Québec ;
  • des ciné­mas migrants et de leur repré­sen­ta­tion de la socié­té québécoise ;
  • de la repré­sen­ta­tion des nou­velles réa­li­tés migrantes ou autoch­tones par des cinéastes québécois ;
  • de l’hybridation du ciné­ma qué­bé­cois et de son ouver­ture gran­dis­sante sur l’ailleurs, l’autre et l’altérité ;
  • de la redé­fi­ni­tion et de l’inclusion du ciné­ma qué­bé­cois pour inclure une plus grande diver­si­té inter­cul­tu­relle et mul­ti­cul­tu­relle en son sein.

 
Les pro­po­si­tions d’article devront conte­nir un titre, une brève notice bio­gra­phique, de même qu’un résu­mé d’un maxi­mum de 500 mots. Ce résu­mé devra cir­cons­crire un cor­pus et mettre en avant une hypo­thèse de tra­vail sui­vant l’un des angles ou sujets men­tion­nés. Le tout devra être envoyé aux adresses sui­vantes : baillarg@umd.edu et kb162@queensu.ca au plus tard le 15 sep­tembre 2020. Les auteurs des pro­po­si­tions rete­nues seront invi­tés à sou­mettre un article rédi­gé en fran­çais ou en anglais et com­por­tant entre 45 000 et 60 000 carac­tères, espaces com­prises, au plus tard le 15 février 2021. Les articles seront sou­mis à un pro­ces­sus d’évaluation par les pairs en double aveugle, et leur publi­ca­tion sera condi­tion­nelle à leur accep­ta­tion par au moins deux évaluateurs.

Bibliographie

Bachand, Denis. « Le prisme iden­ti­taire du ciné­ma qué­bé­cois. Figures pater­nelles et inter­cul­tu­ra­li­té dans Mémoires affec­tives et Lit­to­ral », Ciné­mas, vol. 19, no 1 (automne 2008) : 57-73.

Baillar­geon, Mer­cé­dès et Karine Ber­trand. « Le trans­na­tio­na­lisme du ciné­ma et des (nou­veaux) médias qué­bé­cois », Contem­po­ra­ry French Civi­li­za­tion, vol. 44, nos 2-3 (2019) : 137-273.

Ber­trand, Karine. « Du tiers absent au pas­seur de mémoire : la pré­sence autoch­tone et la figure du média­teur blanc dans le ciné­ma des Pre­mières Nations », Recherches Amé­rin­diennes au Qué­bec, vol. 45, no 1 (automne 2015) : 51-58.

Bou­chard, Gérard. L’interculturalisme. Un point de vue qué­bé­cois (Mont­réal : Édi­tions Boréal, 2012).

––––––. « Qu’est-ce que l’interculturalisme ? », McGill Law Jour­nal, vol. 56, no 2 (2011) : 395-434.

Cou­lombe, Michel. « Les anglo­phones et les immi­grants dans le ciné­ma qué­bé­cois : un ciné­ma blanc, blanc, blanc ? » Ciné-Bulles, vol. 28, no 4 (automne 2010) : 34-37.

Des­roches, Vincent. « L’ange de gou­dron : Ins­crip­tions algé­riennes au Qué­bec », The French Review, vol. 78, no 6 (2005) : 1182-1187.

Maa­louf, Amin. Les iden­ti­tés meur­trières (Paris : Gras­set, 1998).

Mar­shall, Bill. Que­bec Natio­nal Cine­ma (Mont­réal-King­ston : McGill-Queens Uni­ver­si­ty Press, 2001).

Poi­rier, Chris­tian. « Le “renou­veau” du ciné­ma qué­bé­cois », Cités, vol. 23, no 3 (2005) : 165-182.

San­to­ro, Milé­na. « Du rêve amé­ri­cain aux réa­li­tés inter­cul­tu­relles, ou l’américanité du ciné­ma d’immigration et d’immigrés au Qué­bec », Autour de l’œuvre de Gérard Bou­chard. His­toire sociale, socio­lo­gie his­to­rique, ima­gi­naires col­lec­tifs et poli­tiques publiques, sous la direc­tion de Sri­la­ta Ravi et Claude Cou­ture (Qué­bec : Presses de l’Université Laval, 2015), 99-117.

Simon, Sher­ry. « The Inti­mate Other : Repre­sen­ta­tions of Cultu­ral Diver­si­ty in Que­bec Film and Video (1985-1995) », Tex­tua­li­zing the Immi­grant Expe­rience in Contem­po­ra­ry Que­bec – Contri­bu­tions to the Stu­dy of World Lite­ra­ture, sous la direc­tion de Susan Ire­land et Patrice J. Proulx (West­port, Conn : Prae­ger, 200), 51-64.

Véron­neau, Pierre. « Le ciné­ma qué­bé­cois : ouver­ture aux cultures du monde », Les cultures du monde au miroir de l’Amérique fran­çaise, sous la direc­tion de Monique Mosey-Ver­rey (Qué­bec : Presses de l’Université Laval, 2002), 209-231.

Filmographie

Bar­beau-Lava­lette, Anaïs. Inch’Allah, Chris­tal, Qué­bec, 2012.

Benoit, Jacques W. Com­ment faire l’amour avec un nègre sans se fati­guer, Aska films, Qué­bec, 1989.

Deraspe, Sophie. Anti­gone, Mai­son 4:3, Qué­bec, 2019.

Jutra, Claude. À tout prendre, Claude Jutra, Qué­bec, 1963.

Katra­pa­ni, Phyl­lis. Home, Ama­zone Films, Qué­bec, 2002.

Lamothe, Arthur. Mémoire bat­tante, Office natio­nal du film, Qué­bec, 1983.

Leriche, Chloé. Avant les rues, Les Films de l’Autre, Qué­bec, 2016.

Morin, Robert. Trois his­toires d’Indiens, COOP videéo de Mont­réal, Qué­bec, 2014.

Moua­wad, Waj­di. Lit­to­ral, TVA films, Qué­bec, 2004.

Per­rault, Pierre. Un pays sans bon sens, Office Natio­nal du Film, Qué­bec, 1971.

Tulu­gar­juk, Lucy. Tia et Piu­ju­jq, Arnait Video Pro­duc­tions (Marie-Hélène Cou­si­neau), Qué­bec, 2018.

Vil­le­neuve, Denis. Incen­dies, Films Séville, Qué­bec, 2010.

Zéhil, Marianne. La val­lée des larmes, Films Séville, Qué­bec, 2011.

Notices bibligraphiques

Mercédès Baillar­geon est pro­fes­seure agrégée d'études françaises et fran­co­phones à l’Université du Mary­land, où elle est également pro­fes­seure affiliée en études des femmes et en études cinématographiques et médiatiques. Ses recherches portent prin­ci­pa­le­ment sur l’esthétique, l’éthique et la poli­tique du récit à la première per­sonne des 20e et 21e siècles, l'intersection entre les espaces et les dis­cours publics / privés et la (dé) construc­tion des identités per­son­nelles et / ou col­lec­tives. Son livre, Le per­son­nel est poli­tique. Médias, esthétique et poli­tique de l’autofiction chez Chris­tine Angot, Chloé Delaume et Nel­ly Arcan, a été publié par Pur­due Uni­ver­si­ty Press en 2019. Elle a également co-édité un numéro spécial de la revue Contem­po­ra­ry French Civi­li­za­tion sur « Le trans­na­tio­na­lisme du cinéma québécois and (New) Media » avec Karine Ber­trand, publiée en 2019, ain­si qu’un recueil d’essais sur la troisième vague féministe au Québec, Remous, res­sacs et dérivations autour de la troisième vague féministe (Remue-ménage, 2011). Elle a publié dans les revues Québec Stu­dies , W omen in French Stu­dies et Rocky Moun­tain Review, entre autres . Ses recherches actuelles explorent la ques­tion du (post / trans) natio­na­lisme dans le cinéma québécois du nou­veau millénaire.

Karine Ber­trand (de des­cen­dance canadienne-française et autoch­tone) est pro­fes­seure adjointe au département de Film and Media de Queen’s Uni­ver­si­ty et co-direc­trice du groupe de recherche AEPI (Esthétique et poli­tique de l’image) à l’Université d’Ottawa. Ses recherches portent sur les cinémas autoch­tones et inuit, sur les pra­tiques orales cinématographiques ain­si que sur le road movie cana­dien et québécois. Elle est membre du Vul­ne­rable Media Lab à Queen’s Uni­ver­si­ty et cher­cheuse prin­ci­pale pour le volet Arnait Video Pro­duc­tions (un col­lec­tif de femmes inuit) du pro­jet Archive-Coun­ter-Archive, financé par le CRSH. Ses plus récentes publi­ca­tions portent sur le rôle du témoignage dans le cinéma des femmes autoch­tones (Revue cana­dienne d’études cinématographiques, 2020) l’américanité dans le cinéma québécois (Ame­ri­can Review of Cana­dian Stu­dies, 2019) et sur le cinéma autoch­tone cana­dien et québécois (Oxford Hand­book to Cana­dian Cine­ma, 2019). Elle tra­vaille présentement sur le cinéma des femmes autoch­tones en Amérique et en Océanie, avec pour par­te­naires prin­ci­paux le Wapi­ko­ni Mobile et le RICAA.

 

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