Portrait : lutter contre l’invisibilisation des handicaps avec Geneviève Lamoureux

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La doc­to­rante mène un pro­jet de recherche-action dans le but d’identifier des bonnes pra­tiques de repré­sen­ta­tion du bégaiement.

Gene­viève Lamou­reux | Pho­to : Joelle Simard Lapointe

Le man­dat de cinEXmedia étant inter­sec­to­riel, le par­te­na­riat appuie des pro­jets dans toutes sortes de domaines qui peuvent néan­moins s’apparenter à la culture audio­vi­suelle. C’est le cas de la recherche de Gene­viève Lamou­reux, doc­to­rante à l’École d’orthophonie et d’audiologie de l’Université de Montréal.

Elle mène un pro­jet de recherche-action qui vise à créer des res­sources afin de sen­si­bi­li­ser les milieux de la télé­vi­sion, de la radio, des arts de la scène et du jour­na­lisme à la « diver­si­té com­mu­ni­ca­tion­nelle ». Ce concept ren­voie à diverses formes de parole, incluant le bégaie­ment, l’aphasie ou d’autres troubles du langage.

Gene­viève Lamou­reux, qui s’est entre­te­nue avec nous pour nous pré­sen­ter sa recherche, a d’ailleurs deman­dé à ce que l’on conserve les traces de son bégaie­ment dans notre article pour mieux la représenter.

« La diver­si­té com­mu­nic-cation­nelle s’inscrit par­mi la neu­ro­di­ver­si­té – qui concerne par exemple l’autisme, le trouble de défi­cit de l'attention ou la dys­lexie – et sug­gère que nos dif­fé­rences sur le plan neu-euro­lo­gique peuvent être per­çues comme autre chose que des lim-mita­tions, explique la doc­to­rante. Ces dif­fé­rences peuvent s’avérer en-en-richis­santes pour la s-société. »

Recherche-action

Ses recherches sont diri­gées par Ingrid Ver­duyckt, pro­fes­seure agré­gée à l’École d’orthophonie et d’audiologie, et par Lucie Ménard, pro­fes­seure titu­laire au Dépar­te­ment de lin­guis­tique de l’UQAM. Il s’agit par ailleurs d’un pro­jet de recherche-action, une approche à la recherche scien­ti­fique qui implique les participant·e·s concerné·e·s en tant qu'expert·e·s de leur propre réa­li­té et per­met de pro­po­ser des actions concrètes et trans­for­ma­trices sur le sujet d’étude.

Gene­viève Lamou­reux sou­haite donc « éta­blir des prin­cipes de repré­sen­ta­tion justes en créant des outils et des res­sources (écrites et audio­vi­suelles) pour infor­mer et sen­si­bi­li­ser les professionnel·les des médias, par exemple les jour­na­listes ou les scé-scé­na­ristes, afin qu’elles et ils soient capables d’a-adapter nos réa­li­tés à la leur ». Plu­sieurs études sont en cours de réa­li­sa­tion, pré­cise-t-elle, avec des groupes de dis­cus­sion for­més de per­sonnes qui bégaient, de leurs proches, d’orthophonistes, ain­si que des entre­vues avec des professionnel·les des médias.

Cette année, elle entame de nou­velles recherches avec le sou­tien de cinEXmedia : « On veut d’abord éta­blir des prin­cipes, comme des bonnes pra­tiques en matière de diver­si­té com­mu­ni­ca­tion­nelle, et se pen­cher sur un cor­pus de films afin d’étudier dans quelle mesure ces prin­cipes sont res­pec­tés. Cela va nous per­mettre d-d’avoir accès à des exemples et à des contre-exemples concrets ». Elle sou­ligne que le bégaie­ment est sou­vent réduit à des sté­réo­types dans les films.

Appré­cier la beauté

 « La repré­sen­ta­tion actuelle des han-han­di­caps de la com­mu­ni­ca­tion dans les médias est de l’ordre de l’in-in-invisibilisation. On n’en parle pas. L’in-in-visibilisation est une forme de mar-mar­gi­na­li­sa­tion. Quand on ne te repré­sente pas, c’est comme si tu n’étais pas digne d’e-exister dans ces espaces-là », déplore Gene­viève Lamoureux.

C’est pour­quoi elle intègre les notions de diver­si­té com­mu­ni­ca­tion­nelle et de diver­si­té capa­ci­taire dans son tra­vail. L’importance de cette der­nière est éga­le­ment recon­nue par la Chaire de recherche du Cana­da sur la citoyen­ne­té cultu­relle des per­sonnes sourdes et les pra­tiques d’équité cultu­relle, basée à l’UQAM.

La diver­si­té capa­ci­taire « s’applique notam­ment au corps, aux per­sonnes qui sont en fau­teuil r-rou­lant ou qui sont sourdes, pour­suit Gene­viève Lamou­reux. La Chaire effec­tue des tra­vaux sur cette r-richesse-là, prin­ci­pa­le­ment dans le domaine des arts de la scène. Par exemple, il peut être ques­tion d’une pièce de t-t-théâtre sourde, où on ne s'exprime pas avec la langue orale, mais avec les langues des signes. »

Les concepts de diver­si­té com­mu­ni­ca­tion­nelle et de diver­si­té capa­ci­taire devraient éga­le­ment être employés dans les médias, selon la cher­cheuse : « Ils per­mettent un rap­port plus riche à-à la vul­né­ra­bi­li­té et plus de patience envers autrui. » Gene­viève Lamou­reux sou­hai­te­rait même que les médias évitent de cor­ri­ger le bégaie­ment afin que le public puisse appré­cier « la beau­té de cette façon de par-parler ».

Au-delà des murs de l’université

Depuis octobre 2020, Gene­viève Lamou­reux coa­nime et copro­duit le bala­do Je je je suis un pod­cast, avec Judith Labon­té, une ortho­pho­niste. Elles y abordent le bégaie­ment, et uti­lisent leur pla­te­forme comme un espace de libé­ra­tion de la parole. Plus de 49 épi­sodes sont déjà dis­po­nibles sur leur page You­Tube. Le pod­cast est pro­duit en col­la­bo­ra­tion avec l’Association bégaie­ment com­mu­ni­ca­tion, qui accom­pagne les adultes qui bégaient et auprès duquel Gene­viève Lamou­reux a d'abord com­men­cé à faire du béné­vo­lat en 2015. 

La doc­to­rante a éga­le­ment obte­nu une bourse Dia­logue des Fonds de recherche du Qué­bec afin qu’elle puisse orga­ni­ser des évé­ne­ments de dif­fu­sion de ses connais­sances et de ses recherches devant divers publics.

Gene­viève Lamou­reux lutte, ain­si, contre les dis­cri­mi­na­tions que subissent quo­ti­dien­ne­ment les per­sonnes ayant un han­di­cap de la parole. « On-on-on va va-valo­ri­ser les capa­ci­tés de com­mu­ni­ca­tion fluide dans les médias, sans prendre en consi­dé­ra­tion que ce n’est pas un-un aspect qui est do-don­né à tout le monde », déplore-t-elle, espé­rant pou­voir contri­buer, ne serait-ce que modes­te­ment, à chan­ger les choses.