Portrait : le cinéma pour aider des personnes atteintes de démence, avec Barbara Delacourt

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Le pro­jet de recherche de la doc­to­rante vise à sti­mu­ler la com­mu­ni­ca­tion non ver­bale à l’aide de conte­nus audio­vi­suels chez des patient·es atteint·es de démence.

Bar­ba­ra Del­la­court | Pho­to : Nawelle Zaïdi

Dans le cadre de son pro­jet de recherche doc­to­rale, l’orthophoniste Bar­ba­ra Dela­court, asso­ciée au Centre de recherche de l’Institut uni­ver­si­taire de géria­trie de Mont­réal (CRIUGM), étu­die la com­mu­ni­ca­tion non ver­bale chez les per­sonnes vivant avec la démence. Une ques­tion, toute simple, struc­ture son tra­vail : com­ment conti­nuer à com­mu­ni­quer sans pou­voir parler ?

Sa recherche s’inscrit dans le pro­jet Lumière, une ini­tia­tive née de la col­la­bo­ra­tion entre le CRIUGM et le par­te­na­riat cinEXmedia. Il s’agit d’élaborer un cata­logue de conte­nus audio­vi­suels qui peuvent aider à sti­mu­ler la com­mu­ni­ca­tion non ver­bale entre des per­sonnes atteintes de démence et leurs proches aidant·es. Le pro­jet unit donc des per­sonnes issues du domaine de l’orthophonie et des études ciné­ma­to­gra­phiques afin de déter­mi­ner quels fac­teurs, au sein des conte­nus audio­vi­suels, pro­curent les effets thé­ra­peu­tiques souhaités.

De la cli­nique au laboratoire

Ori­gi­naire de France, Bar­ba­ra Dela­court a mené des études d’orthophonie outre-Atlan­tique avant de pour­suivre sa pra­tique au Qué­bec. « J’ai tra­vaillé pen­dant un an en cli­nique, mais j’avais très envie de me lan­cer en recherche », explique-t-elle.

C’est alors qu’elle a contac­té Ana Inés Ansal­do, pro­fes­seure titu­laire à l’École d’orthophonie et d’audiologie de l’Université de Mont­réal et direc­trice de l'enseignement à l'Institut de géria­trie de Mont­réal : « Quand je suis entrée à la maî­trise sous sa direc­tion, j’ai trou­vé ça hyper sti­mu­lant, très rapidement. »

Dans le cadre de son mémoire, l’étudiante s’est jointe au pro­jet COM­PAs (Com­mu­ni­ca­tion Proche Aidants), une appli­ca­tion déve­lop­pée par le CRIUGM per­met­tant aux proches aidant·es de consti­tuer des biblio­thèques per­son­na­li­sables de conte­nus audio­vi­suels. « Ce que j’aime dans ce genre de recherche, pré­cise-t-elle, c’est qu’on peut aider encore plus de per­sonnes qu’en cli­nique. On peut réflé­chir à des moyens inno­vants d’améliorer la qua­li­té de vie des per­sonnes vieillissantes. »

Com­battre l’injustice

D’ailleurs, si Bar­ba­ra Dela­court a été atti­rée par le métier d’orthophoniste, c’est d’abord et avant tout afin d’aider des per­sonnes pour qui la com­mu­ni­ca­tion est dif­fi­cile : « J’ai tou­jours été tou­chée par les adultes, notam­ment les per­sonnes âgées, qui vivent avec des troubles du lan­gage, et par l’impact que ces troubles peuvent avoir sur leurs rela­tions sociales. C’est une véri­table injus­tice et j’ai envie de la com­battre dans mon métier. »

Selon l’Institut natio­nal de san­té publique du Qué­bec, 25 % de la popu­la­tion qué­bé­coise sera âgée de 65 ans et plus en 2030, ce qui repré­sente un bond de 5 % par rap­port à la pro­por­tion de 2021.

Pour la com­mu­nau­té scien­ti­fique, le vieillis­se­ment de la popu­la­tion aux niveaux qué­bé­cois et cana­dien signi­fie aus­si l’intensification des cas de troubles neu­ro­cog­ni­tifs au sein de la popu­la­tion. « À mesure que la popu­la­tion du Cana­da vieilli­ra, le nombre de per­sonnes tou­chées par ces pro­blèmes de san­té conti­nue­ra d’augmenter », écrit la Socié­té Alz­hei­mer du Cana­da, dans un rap­port de 2024 inti­tu­lé Les mul­tiples facettes des troubles neu­ro­cog­ni­tifs au Cana­da.

Les défis que posent la démence sont consi­dé­rables. En 2019, l’Agence de la san­té publique du Cana­da a éla­bo­ré sa Stra­té­gie sur la démence pour le Cana­da, dont l’objectif est de gui­der la prise en charge des per­sonnes qui en sont atteintes. Confor­mé­ment à ce que Bar­ba­ra Dela­court vise dans sa recherche, le docu­ment incite, entre autres, à « faire par­ti­ci­per les per­sonnes atteintes de démence et les aidant·es naturel·les à la mise au point de thérapies ».

« Le défi qu’on ren­contre, sou­ligne la doc­to­rante, c’est qu’avec l’évolution de la mala­die, ces per­sonnes ont de plus en plus de dif­fi­cul­tés à par­ler et à com­prendre ce qu’on leur dit. L’entourage et même le per­son­nel soi­gnant se trouvent sou­vent dému­nis. La per­sonne qui souffre de démence, elle, risque de s’isoler. Essen­tiel­le­ment, je veux aider les per­sonnes qui vivent avec de la démence à gar­der un lien social avec leur entourage. »

« Ce que j’aime de notre pro­jet, ajoute-t-elle, c’est qu’il pour­ra être très acces­sible. Une fois qu’on aura créé notre cata­logue de vidéos, on pour­ra aisé­ment le par­ta­ger à des patient·es, par­tout, qui n’auront qu’à avoir accès à un écran. »