L’événement a rassemblé 50 chercheur·euses qui ont présenté leurs recherches sur nos usages des plateformes numériques.
Hugo Samson
Le Labo Télé du département d’histoire de l’art et d’études cinématographiques de l’Université de Montréal et le partenariat cinEXmedia ont coorganisé, du 2 au 4 novembre dernier, le colloque international « Plateformes et usages : cinéma, télévision, jeu vidéo et création numérique ». L’événement, qui s’est déroulé au Carrefour des arts et des sciences, a réuni dix panels interdisciplinaires regroupant 50 chercheur·euses, lesquel·les ont exposé le fruit de leurs recherches sur nos usages des plateformes numériques.
Sept chercheur·euses de l'Université de Montréal et de l'Université Sorbonne Nouvelle ont organisé l'événement. Marta Boni (Université de Montréal), coorganisatrice, explique que le colloque avait pour but de de présenter les plateformes numériques non pas comme des structures impartiales, mais comme des actrices à part entière de la production culturelle. Ainsi, plusieurs communicationss examinaient les enjeux sociétaux liés à l’évolution des plateformes.
« On a voulu regrouper tout un ensemble de contributions dans le but de faire le point sur l’état des plateformes et sur des situations que l’on vit tous les jours en tant que consommateur[·rice]s des médias de streaming », indique la professeure Boni. « En 2011, on avait organisé un événement similaire, sous le nom de “Networking Images : approches interdisciplinaires des images en réseau”. À l’époque, on avait fait un état des lieux des médias audiovisuels à l’ère du Web 2.0 et, dix ans plus tard, on a voulu reprendre en main la situation, en gardant une approche multidisciplinaire, et voir ce qui avait changé. »
Entre économie et sociologie
« Si on regarde ce que les universitaires ont présenté à l’époque, on remarque que leur point de vue était beaucoup plus utopique, ajoute-t-elle. On avait beaucoup d’espoir par rapport au pouvoir des usager[·ère]s, on ne voyait pratiquement que les aspects positifs. Aujourd’hui, les discours dominants portent principalement sur les grandes plateformes comme Netflix [et sur leurs effets négatifs]. Tout le reste apparaît encore marginal, voire radical. »
Nombre de chercheur·euses se sont intéressé·es aux dimensions politique et économique des plateformes. Marina Alcaraz (Echos) et Arnaud Mercier (Université Paris-Panthéon-Assas) ont par exemple démontré toute l’importance de Netflix aujourd’hui, lors d’une présentation commune portant sur l’évolution du traitement de la plateforme dans les communiqués publics des chaînes de télévision française.
D’autres communications ont abordé les manières dont les communautés de fans, d’admirateur·rices, ont exploité les plateformes numériques afin de complexifier et d’approfondir leurs pratiques de réception médiatique.
Fonctions thérapeutiques
Les plateformes numériques s’immiscent aussi dans les sphères les plus intimes de notre quotidien. Elles peuvent notamment avoir des fonctions thérapeutiques. Partant de ces constats, Katharina Niemeyer et Christine Thoër ont alors démontré les effets des contenus télévisuels qui sont diffusés sur les plateformes sur les jeunes adultes.
Le développement des supports numériques a en effet rendu l’expérience télévisuelle plus intime qu’elle ne l’était auparavant. Il est aujourd’hui possible de visionner un épisode de sa série favorite dans les transports en commun, par exemple, ou ailleurs à l’extérieur de la maison, sur son téléphone. Quel effet ce mode de visionnement produit-il sur le public ? Pour répondre à cette question, les chercheuses ont mené une série d’entrevues sur le travail de réflexion identitaire qu’entraînait le visionnement de séries télévisées chez des jeunes adultes âgés de 18 à 26 ans.
Quatre principaux effets de cette expérience intime des contenus télévisuels ont été recensés par les chercheuses : la création de souvenirs, l'apprentissage de ressources pour gérer ses émotions, l'attachement à l'espace où sont visionnés les contenus ainsi que la construction de récits de soi afin de mieux se comprendre et appréhender ses souvenirs. Ces effets se sont d’ailleurs accrus précisément grâce aux plateformes et aux modes de visionnement qu’elles ont rendu possibles.
De telles découvertes permettent à Marta Boni de conclure que l’événement fut un franc succès. « Le dialogue s’est très bien fait entre toutes les approches et nous avons présenté différentes perspectives afin de porter un regard complet sur les enjeux que nous avons abordés. »