Le centre HUPR démystifie le « potentiel humain »

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Le centre de recherche, ancien­ne­ment appe­lé CRITAC, col­la­bore avec cinEXmedia pour ras­sem­bler des expert·es en ciné­ma et en arts vivants, dans une optique d’innovation sociale.

Pho­to : Nao­mi Silver-Vézina, cour­toi­sie de Nai­la Kuhl­mann | Les inter­pètres du pro­jet Piece of Mind en répétition

Le Centre de recherche sur le poten­tiel humain (HUPR), asso­cié à l’École natio­nale de cirque, est récem­ment deve­nu par­te­naire de cinEXmedia. Les deux orga­nismes sou­haitent désor­mais ras­sem­bler des expert·es en ciné­ma et en arts vivants, dans le but d’optimiser l’impact social de leurs dis­ci­plines res­pec­tives. Dans la fou­lée de la créa­tion de ce nou­veau par­te­na­riat, nous avons dis­cu­té avec des membres de l’équipe du centre HUPR, afin de mieux com­prendre son fonctionnement.

En plus de ses tra­vaux de recherche axés sur les arts vivants et le « poten­tiel humain », HUPR « offre de l’aide tech­nique et des for­ma­tions pour sou­te­nir les professionnel·les ain­si que les orga­ni­sa­tions du sec­teur », résume Maria­nel­la Michaud, char­gée de pro­jet – déve­lop­pe­ment et inno­va­tion chez HUPR. « Les quatre axes de recherche de HUPR, soit les tech­no­lo­gies numé­riques, la per­for­mance humaine, le desi­gn d’équipement et l’innovation sociale, per­mettent à chaque pro­jet mené au centre d’évaluer l’impact tan­gible des arts vivants, pour­suit-elle. En anti­ci­pant les défis d’un monde en constante évo­lu­tion, HUPR s’engage à conce­voir des solu­tions auda­cieuses et nova­trices. Depuis sa créa­tion, le centre de recherche démontre que l’impossible devient réa­li­sable lorsque l’innovation, la science et les arts convergent. »

Maria­nel­la Michaud cite à titre d’exemple un pro­jet mené avec un duo de main à main. « Les artistes ont inver­sé les rôles de por­teur et vol­ti­geuse dans leur numé­ro, explique-t-elle. Avec une approche eth­no­gra­phique, nous nous sommes questionné·es sur les ori­gines des rôles des genres dans ce type de numé­ro. Nous allons ensuite mener des ate­liers de média­tion, notam­ment pour mesu­rer l’impact des chan­ge­ments appor­tés aux repré­sen­ta­tions tra­di­tion­nelles sur le public, mais aus­si pour ana­ly­ser ce que cela a sus­ci­té du point de vue des artistes. »

Emma­nuel Bochud, direc­teur du déve­lop­pe­ment et de l’innovation, affirme d’ailleurs que « toute la recherche effec­tuée chez HUPR est de la recherche appli­quée ». « Nous sommes associé·es à l’École natio­nale de cirque, mais nous tra­vaillons essen­tiel­le­ment pour l’industrie des arts vivants, tout le sec­teur de la culture et le grand public, dans une pers­pec­tive d’innovation sociale. »

La mala­die de Par­kin­son, « au-delà des tremblements »

Le pro­jet Piece of Mind (2021), de la cher­cheuse post­doc­to­rale Nai­la Kuhl­mann (HUPR), est à l’image de la mis­sion de l’organisme, qui sou­haite s’impliquer davan­tage dans sa com­mu­nau­té. « C’était mon pre­mier pro­jet post­doc­to­ral, raconte la cher­cheuse. J’ai réuni des per­sonnes atteintes de la mala­die de Par­kin­son, des neu­ros­cien­ti­fiques et des artistes, dans le but de faci­li­ter un échange de connais­sances, pour créer un spec­tacle qui com­mu­nique à la fois la recherche scien­ti­fique et l’expérience vécue de la mala­die.  Ce pro­jet est né à la suite de mon doc­to­rat en neu­ros­ciences, dans lequel j’étudiais la mala­die de Par­kin­son, mais qui ne m’offrait que très peu de contacts avec les per­sonnes concernées. »

Pho­to : Nao­mi Silver-Vézina, cour­toi­sie de Nai­la Kuhl­mann | Les inter­pètres du pro­jet Piece of Mind en répétition

« À chaque ses­sion de tra­vail, pour­suit-elle, nous avons abor­dé un sujet dif­fé­rent, à la fois du point de vue de la science et de l’expérience vécue. C’était une véri­table expé­rience de cocréa­tion, qui tenait compte de l’apport de chaque per­sonne consul­tée. Notre objec­tif était de repré­sen­ter la mala­die, au-delà des trem­ble­ments. Par exemple, nous avons créé un numé­ro de sla­ck­line autour d'un poème inti­tu­lé « Sur le fil », dans lequel une par­ti­ci­pante vivant avec la mala­die uti­lise la méta­phore du funam­bule pour par­ta­ger son expé­rience.  Nous avons éga­le­ment inté­gré des scènes plus comiques, dont une où une per­sonne illustre ses symp­tômes en inver­sant les rôles avec les autres inter­prètes. Nous avons ensuite mené une recherche qua­li­ta­tive sur l’expérience des par­ti­ci­pants à la cocréa­tion et l’impact sur le public. »

Le spec­tacle a été fil­mé en 2021, pré­sen­té devant public à l’Agora du Cœur des sciences de l’UQAM en 2022, puis au Atlan­ta Science Fes­ti­val en 2024. Une série de repor­tages audio­vi­suels sur les cou­lisses du pro­jet est aus­si dis­po­nible sur la page You­Tube du col­lec­tif Piece of Mind. Nai­la Kuhl­mann a éga­le­ment cosi­gné plu­sieurs articles scien­ti­fiques pré­sen­tant les conclu­sions du pro­jet, notam­ment un publié l’an der­nier avec Ali­ki Tho­mas, Rebec­ca Barns­taple et sa direc­trice de recherche, Ste­fa­nie Blain-Moraes, dans l’Inter­na­tio­nal Jour­nal of CoCrea­tion in Desi­gn and the Arts (Jour­nal inter­na­tio­nal de la co-créa­tion dans le desi­gn et les arts). Plus récem­ment, elle a cosi­gné un autre article dans la revue Fron­tiers in Psy­cho­lo­gy.

Du CRITAC au centre HUPR

Avant de s’appeler HUPR, l’organisme por­tait le nom de Centre de recherche, d’innovation et de trans­fert en arts du cirque (CRITAC). Le chan­ge­ment s’est impo­sé afin d’ouvrir les acti­vi­tés du centre à d’autres dis­ci­plines, explique Emma­nuel Bochud : « Le regard que l’on porte sur les arts vivants peut très bien se trans­fé­rer à d’autres domaines en lien avec la per­for­mance humaine au sens large. »

L’équipe de HUPR s’est affai­rée à chan­ger de nom au moment même où elle enta­mait des démarches pour deve­nir par­te­naire de cinEXmedia. « Nos deux orga­nismes ont plu­sieurs atomes cro­chus, affirme Emma­nuel Bochud. Ils tra­vaillent tous les deux sur le rythme, dans une pers­pec­tive inter­sec­to­rielle, ain­si que sur des pro­jets d’innovation sociale. »

C’est pour­quoi, ren­ché­rit Nai­la Kuhl­mann, « nous sou­hai­te­rions ras­sem­bler des expert·es en ciné­ma et en arts vivants, dans le cadre d’un col­loque, par exemple, pour mieux com­prendre com­ment ces dis­ci­plines peuvent tra­vailler ensemble, par­ti­cu­liè­re­ment pour les per­sonnes aînées ». Les équipes de HUPR et de cinEXmedia doivent se ren­con­trer plus tard cette année afin de pré­pa­rer ce pro­jet commun.