Du cinéma thérapeutique dans les archives de l’ONF

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Le par­te­na­riat cinEXmedia s’associe à l’ONF pour pré­sen­ter des films thé­ra­peu­tiques à l’intention de per­sonnes aînées.

Image tirée du film À Saint-Hen­ri le cinq sep­tembre de Hubert Acquin (1962) | Cour­toi­sie de l'ONF

Regrou­pant plus de 14 000 titres, la col­lec­tion de l’Office natio­nal du film du Cana­da (ONF) est l’une des plus impor­tantes au pays. Depuis quelques mois, des chercheur·ses de cinEXmedia et de l’Institut uni­ver­si­taire de géria­trie de l’Université de Mont­réal (IUGM) col­la­borent avec l’agence fédé­rale afin de pré­sen­ter des films thé­ra­peu­tiques issus de sa col­lec­tion à l’intention de per­sonnes aînées, dans le cadre de cinq pro­jec­tions cette année.

Les orga­nismes sou­haitent ain­si consti­tuer un cata­logue de films thé­ra­peu­tiques et éven­tuel­le­ment le rendre dis­po­nible sur une pla­te­forme numé­rique, une ini­tia­tive qui pro­met d’ouvrir de nou­velles ave­nues à la recherche inter­sec­to­rielle com­bi­nant études ciné­ma­to­gra­phiques et sciences de la santé.

« Notre démarche rap­pelle le Pro­jet Lumière, que cinEXmedia a lan­cé avec le Centre de recherche de l’Institut uni­ver­si­taire de géria­trie de Mont­réal (CRIUGM), explique Marie-Odile Demay, cher­cheuse post­doc­to­rale char­gée du pro­jet en col­la­bo­ra­tion avec l’ONF. Il vise à mesu­rer les effets d’extraits audio­vi­suels sur le cer­veau de per­sonnes âgées. Bien que nous n’ayons pas encore obte­nu tous les résul­tats de cette expé­rience, nous avons déjà été en mesure de for­mu­ler des constats intéressants. »

C’est d’ailleurs depuis les débuts du pro­jet Lumière que cinEXmedia ambi­tionne de mettre sur pied une banque de films qui puisse s’inspirer de ses résul­tats. Rapi­de­ment, l’ONF s’est impo­sé comme un par­te­naire de choix. « Non seule­ment la col­lec­tion de l’ONF est impres­sion­nante, affirme Marie-Odile Demay, mais l’organisme est par­ti­cu­liè­re­ment bien outillé pour nous aider à créer un pro­gramme de films repré­sen­ta­tifs de la réa­li­té des per­sonnes âgées cana­diennes et sus­ci­ter chez eux des sou­ve­nirs, puisque son cata­logue met en images des his­toires cana­diennes depuis les années 1940. À terme, on sou­haite créer des pro­grammes non seule­ment pour les per­sonnes âgées auto­nomes comme on le fait pré­sen­te­ment, mais éga­le­ment pour les per­sonnes en situa­tion de démence ain­si que pour leurs proches aidant·es, dont les parents, les ergo­thé­ra­peutes et les psychologues. »

Sou­ve­nirs thérapeutiques

Confor­mé­ment aux résul­tats du pro­jet Lumière, la détente et le rire figu­raient ini­tia­le­ment par­mi les prin­ci­paux effets que cinEXmedia sou­hai­tait pro­duire avec son cata­logue. Or, si Marie-Odile Demay et son équipe tentent encore de sélec­tion­ner des films qui peuvent induire le bien-être chez les spec­ta­teurs, elle sou­haite sur­tout, désor­mais, éveiller chez eux des sou­ve­nirs et les ame­ner, à par­tir de ceux-ci, à com­mu­ni­quer leur vécu et ain­si don­ner une voix aux per­sonnes âgées qui sont sou­vent marginalisées.

« La col­lec­tion de l’ONF regorge de films qui traitent d’événements his­to­riques chers aux per­sonnes aînées du Cana­da, dit-elle. Avec des films qui parlent de l’Expo 67 ou du voyage de la reine Éli­sa­beth II au pays, par exemple, on peut leur rap­pe­ler des sou­ve­nirs et pro­duire par consé­quent des effets thé­ra­peu­tiques. On sou­haite, en paral­lèle, pré­sen­ter des films qui repré­sentent des com­mu­nau­tés cultu­relles éta­blies au Qué­bec depuis long­temps, notam­ment des Haï­tiens et des Ita­liens. Nous espé­rons que notre sélec­tion pour­ra rejoindre le plus grand nombre. »

Pour l’heure, cinq pro­jec­tions sont pré­vues afin de tes­ter, à l'aide de ques­tion­naires et de dis­cus­sions gui­dées, les réponses des par­ti­ci­pants aux conte­nus pro­po­sés par les deux orga­nismes. La pre­mière devrait avoir lieu en décembre à la salle de pro­jec­tion de l’ONF pour une dif­fu­sion grand public et auprès des habi­tants du Quar­tier des spec­tacles de Mont­réal. Les autres seront orga­ni­sées aux deux mois et annon­cées ulté­rieu­re­ment. L’objectif de ces pro­jec­tions est de mesu­rer la valeur de rémi­nis­cence des films choisis.

« Ciné-thé­ra­pie »

Ce pro­jet s’inscrit dans une tra­di­tion de « ciné-thé­ra­pie » qui remonte aux années 1980, sou­ligne Marie-Odile Demay : « Des études sont faites depuis long­temps sur les bien­faits du ciné­ma lorsqu’il nous ramène à nos sou­ve­nirs d’enfance ou à des moments mar­quants de notre vie. Tant par leur conte­nu que par leur forme, les films peuvent évo­quer aux patient·es des sou­ve­nirs mar­quants de leur vie, comme ce fils allé à la guerre, ce moment mar­quant d’immigration au pays ou tout sim­ple­ment cette vie de quar­tier, comme dans À Saint-Hen­ri le cinq sep­tembre de (Hubert Acquin, 1962 — see pho­to). Ain­si éveillés, les sou­ve­nirs peuvent être un vec­teur de par­tage et aider des per­sonnes mar­gi­na­li­sées ou souf­frant de troubles cog­ni­tifs à sor­tir de leur iso­le­ment. Les pos­si­bi­li­tés thé­ra­peu­tiques sont donc immenses. »

La cher­cheuse ignore à quel moment une pla­te­forme numé­rique pour­rait voir le jour, puisque « le pro­jet est encore en cours et qu’il reste à com­plé­ter la banque de films ». « Dans les pro­chaines semaines, pré­cise-t-elle, nous tra­vaille­rons en étroite col­la­bo­ra­tion avec les res­pon­sables de la col­lec­tion de l’ONF et l’équipe du Lab Inno­va­tion de l’ONF afin d’identifier et de sélec­tion­ner des films s’inscrivant dans des grandes thé­ma­tiques comme les moments his­to­riques mémo­rables ; des his­toires repré­sen­ta­tives du cycle de la vie ; ou des films por­tant sur des acti­vi­tés spor­tives ou la vie sociale. Com­bi­née à notre exper­tise en ciné­ma, cette col­la­bo­ra­tion avec l’équipe de l’ONF et avec les cher­cheurs du GRIUGM nous per­met donc de bien cibler les meilleurs films ciné-thé­ra­peu­tiques pour notre public cible et éven­tuel­le­ment don­ner suite au pro­jet de point d’accès numé­rique pour le plus grand nombre. »

« C’est un pri­vi­lège d’avoir la chance de tra­vailler sur ce pro­jet, conclut Marie-Odile Demay. Il per­met des débou­chés pra­tiques à des recherches plus théo­riques sur le ciné­ma, la san­té et le vieillissement. »