Les deux organismes travaillent désormais ensemble pour mener divers projets intersectoriels reliés à la gériatrie.
Hugo Samson
Le partenariat cinEXmedia s’est joint au Centre de recherche de l’Institut universitaire de gériatrie de Montréal (CRIUGM) en 2022 pour mener divers projets intersectoriels combinant études cinématographiques et sciences de la santé. Tandis que ces projets commencent à prendre forme, nous les présentons plus en détail dans cette nouvelle série de textes que nous lançons pour mettre en lumière cette collaboration.
Barbara Delacourt, doctorante à l’École d’orthophonie et d’audiologie de l’Université de Montréal et chercheuse au CRIUGM, explique que le centre « travaille sur tous les aspects de la gériatrie, que ce soit au niveau de la santé mentale, de la nutrition, du sommeil ou de l’activité physique. »
L’organisme compte 39 chercheur·euses actif·ves, 19 chercheur·euses associé·es, près de 30 stagiaires postdoctoraux·ales et plus de 200 étudiant·es diplômé·es. Au total, ce sont près de 300 personnes qui œuvrent à faire avancer la recherche dans le domaine du vieillissement et qui participent au transfert des connaissances.
Neurosciences du vieillissement
La professeure titulaire à l’Université de Montréal et directrice de l’enseignement à l’Institut universitaire de gériatrie de Montréal (IUGM), Ana Inés Ansaldo, soutient que le centre de recherche a été fondé par des chercheur·euses dont l’objectif était d’étudier les troubles de la communication chez les personnes atteintes de maladies neurologiques.
« Depuis la fondation du CRIUGM, les thèmes de la communication et du langage sont inscrits dans son ADN, explique-t-elle. En plus de 40 ans d’existence, le centre s’est intéressé à plusieurs sujets, toujours dans le but de mieux comprendre les liens entre les mécanismes neurologiques et la communication. »
« Être associé à un hôpital [en l’occurrence, l’IUGM] nous permet de faire le pont entre la recherche et la pratique en clinique », ajoute Barbara Delacourt.
Lumière sur la démence
Le partenariat de recherche cinEXmedia-CRIUGM a notamment donné lieu au projet Lumière. « L’objectif est de créer un catalogue d’extraits audiovisuels thérapeutiques qui sera adapté au covisionnement entre des personnes atteintes de démence et leurs aidant·es », explique Ana Inés Ansaldo, qui dirige le projet, dont l’équipe est composée de chercheur·euses en orthophonie, en cinéma et en intelligence artificielle.
Elle souligne que « c’est un moyen de contrer l’isolement que la démence génère naturellement ». Il s’agit aussi, selon la chercheuse, d’une approche non conventionnelle et innovante aux soins destinés à cette clientèle vulnérable.
C’est d’ailleurs « l’aspect thérapeutique » de la recherche menée par cinEXmedia et le CRIUGM qui unit les deux organismes, explique Alice Guilbert, étudiante à la maîtrise en études cinématographiques à l’Université de Montréal sous la tutelle de Santiago Hidalgo, directeur exécutif du Laboratoire CinéMédias.
Expériences en laboratoire
Précisons que ce sont les réactions des participant·es atteint·es de démence face aux contenus audiovisuels qu’on leur présente, en laboratoire, qui permettront d’établir le catalogue d’extraits thérapeutiques qu’on vise produire à l’issue du projet.
À ce stade-ci des expériences, les contenus sont très variés, incluant par exemple des vidéos touristiques promotionnelles et des extraits de films de fiction. « On essaie de voir quels sont les paramètres cinématographiques qui agissent sur les personnes vivant avec la démence », poursuit Alice Guilbert.
Qui plus est, l’équipe du projet Lumière s’est dotée d’un dispositif de captation élaboré pour filmer les réactions des participant·es. Des caméras les filment en binôme afin de capturer leur langage corporel ainsi que leurs expressions faciales, tandis que des bracelets enregistrent leurs données cardiaques.
« C’est très important, dans les sciences pures, de considérer l’environnement des expériences, précise Alice Guilbert. On sollicite les chercheur·euses en cinéma autant pour leurs connaissances cinématographiques que pour leur capacité à identifier quels éléments des vidéos peuvent agir sur les résultats, notamment afin de créer des émotions positives. »
Intersectorialité
L’intersectorialité est au cœur de la collaboration cinEXmedia-CRIUGM, depuis ses origines. Ana Inés Ansaldo explique que l’idée de ce partenariat lui est venue alors qu’elle assistait aux deuxièmes rencontres intersectorielles sur le rythme, coorganisées par le Laboratoire CinéMédias et le Vice-rectorat à la recherche, à la découverte, à la création et à l’innovation de l’Université de Montréal, en décembre 2019.
« Quand on parle de communication, on pense souvent au langage, mais, avant le langage articulé, les gens pouvaient communiquer par l’art, par la peinture », raconte la chercheuse. C’est justement en assistant à une conférence sur l’impact émotionnel du rythme au cinéma qu’elle a voulu utiliser le septième art « comme une espèce de déclencheur de la communication intentionnelle ».
L’intégration de la recherche médiatique aux sciences médicales dans une perspective thérapeutique est une chose relativement nouvelle, mais cette pratique a le potentiel d’ouvrir des perspectives inattendues.
« C’est particulièrement intéressant qu’il n’y ait pas encore eu de recherche sur le vieillissement et le cinéma jusqu’ici, ni avec des personnes en santé, ni avec des personnes qui ont des pathologies comme des troubles neurocognitifs », souligne Barbara Delacourt.
La recherche doctorale de cette dernière fera d’ailleurs l’objet du prochain texte de notre nouvelle série sur le CRIUGM. D’autres articles et entretiens paraîtront aussi dans les prochains mois.