Dans le cadre des activités du laboratoire CinéMédias, le Groupe de recherche sur l’avènement et la formation des identités médiatique (GRAFIM), en collaboration avec le Groupe d’observation et de recherche rôliste (GORR) et la Bibliothèque des lettres et sciences humaines (BLSH) de l’Université de Montréal, vous invitent à participer à un speed colloque portant sur les liens entre le cinéma et les jeux de rôle sur table.
Depuis la sortie de l’archétypique Dungeons & Dragons (Gary Gygax et Dave Arneson, 1974), de nombreux jeux de rôle sur table ont fait leur apparition. Ces jeux s’appuient sur différents univers fictionnels, tels que ceux associés au genre de l’horreur ou de la science-fiction, et mettent parfois en scène des mondes postapocalyptiques ou dystopiques, ce qui les éloigne de l’univers médiéval fantastique originel du D&D. Certains d’entre eux sont en outre marqués par l’influence d’œuvres littéraires comme The Call of Cthulhu (H.P. Lovecraft, 1928) ou Dracula (Bram Stoker, 1897) ; d’autres, par l’influence du cinéma (et notamment de films tels qu’Alien [Ridley Scott, 1979] et Blade Runner [Ridley Scott, 1982]). Ces échanges ne sont toutefois pas unidirectionnels. Le cinéma semble en effet lui aussi de plus en plus influencé par les jeux de rôle : que l’on pense à leur importance pour le tout récent Dungeons & Dragons : Honor Among Thieves (John Francis Daley et Jonathan Goldstein, 2023), pour la série télévisée Stranger Things (Matt et Ross Duffer, 2016 à aujourd’hui) ou encore, dans un contexte plus proche du nôtre, pour le film québécois Farador (Edouard Tremblay, 2023). Que pouvons-nous tirer de ces interactions entre cinéma et jeux de rôle ? On peut déjà s’interroger sur les similarités des processus de narration et de fictionnalisation de ces deux médias. Tous deux contribuent en effet, en cette période de convergence transmédiatique des imaginaires de la culture populaire, à la construction de mondes fictionnels pour le plus grand plaisir de leurs spectateur·rices et de leurs joueur·ses, selon des moyens qui demandent toutefois à être mis en tension ou en relation. De même, l’engagement que ces œuvres requièrent de la part des personnes qui les expérimentent semble les rapprocher. Il est alors intéressant de se demander comment la participation active aux univers fictionnels exigée par les jeux de rôle (Shrier, Torner et Hammer, « Worldbuilding in Role-Playing Games », 2018) se compare à la réception spectatorielle du cinéma. Il convient enfin de réfléchir aux différents aspects qui caractérisent le cinéma et les jeux de rôle et de les mettre en relation, afin de faire dialoguer l’expérience cinématographique et l’expérience rôliste. Que partagent-elles, sur le plan de leur création ou de leur réception ? Et qu’est-ce qui les distingue ? Comment ces formes médiatiques favorisent-elles la participation de leurs spectateur·rices et de leurs joueur·ses ou, à l’inverse, génèrent-elles des distances narratives ? Quels moyens emploient-elles, respectivement, afin de générer une tension dramatique ? Ces questionnements nous paraissent des terrains fertiles pour réfléchir aux enjeux narratifs, phénoménologiques et épistémologiques de ces formes médiatiques. Aussi ce speed colloque entend-il interroger ces deux pratiques et les articuler l’une avec l’autre dans un espace de réflexion à rythme rapide et dans un cadre convivial, afin de favoriser les échanges éclairés et stimulants.
Les travaux qui abordent de front ces enjeux croisés du cinéma et des jeux de rôle sont assez rares. Depuis les vingt dernières années, certaines recherches proposent néanmoins des réflexions particulièrement fécondes au sujet de ces deux formes médiatiques : pensons notamment, du côté anglophone, aux travaux sur la narration et l’interactivité dans les jeux de rôle de Jennifer Ann Grouling (The Creation of Narrative in Tabletop Role-Playing Games, 2010); du côté francophone, on pourra s’intéresser aux travaux sur la construction de mondes fictionnels ludo-narratifs d’Olivier Caïra (Les forges de la fiction, 2007); à ceux sur la création des mondes cinématographiques d’Alain Boillat (Cinéma machine à monde, 2014); ou encore aux réflexions sur la cocréation fictionnelle de Coralie David (Le jeu de rôle sur table : l’intercréativité de la fiction littéraire, 2016). Lors de ce speed colloque, il s’agira de prolonger ces études afin d’offrir de nouvelles perspectives sur les liens entre jeux de rôle et cinéma.
Les sujets suivants, entre autres, pourront être abordés :
- Les techniques narratives pour les meneur·ses de jeux, mais aussi pour les cinéastes (points de vue, techniques de montage – alterné, parallèle, jeux temporels –, flash-backs ou analepses, conception sonore – musique, voix, bruits, etc) et leurs effets sur les spectateur·rices et/ou les joueur·ses ;
- Les singularités ou les ressemblances de l’écriture scénaristique entre un scénario cinématographique et celui d’un jeu de rôle (pratiques de développement des personnages, des péripéties, du suspense, du drame, etc.);
- Les questions de l’adaptation, de l’intermédialité, de la transmédialité et des échanges entre jeux de rôle et cinéma ;
- Les études de performance (performance studies) et les théories du jeu de l’acteur (enjeux de l’interprétation et de la personnification autant dans une partie de jeux de rôle qu’au cinéma);
- Les enjeux culturels et de représentations (écriture inclusive, thèmes politiques, inspirations historiques, enjeux éthiques, féminismes et perspectives queers, etc.).
Le speed colloque Jeux de rôle sur table et cinéma : mondes alternatifs et transferts médiatiques est ouvert à tous·tes les étudiant·es de cycles supérieurs de l’Université de Montréal et des autres universités. Les communications, d’une durée de dix minutes, seront suivies d’une brève période d’interaction avec le public. Veuillez nous faire parvenir votre proposition de communication (comprenant un titre, un résumé de 150 mots et une courte notice biobliographique) avant le 1 octobre 2023 à l’adresse suivante : jeansebastien.houle.1@umontreal.ca. L’événement aura lieu le lundi 30 octobre 2023, de 13h à 16h, en présentiel, à l’Université de Montréal.
Organisation
Jean-Sébastien Houle (Université de Montréal)
Jean-Charles Ray (Université de Montréal)
Bernard Perron (Université de Montréal)
Annaëlle Winand (Université de Montréal)