Œuvrant à l’Institut national canadien pour les aveugles (INCA), la chroniqueuse, conférencière et consultante en matière d’inclusivité collabore avec le partenariat cinEXmedia dans le cadre d’une étude portant sur les liens entre le cinéma et les rêves.
Sophie Leclair-Tremblay

La chroniqueuse, conférencière et consultante en matière d’inclusivité Catheryne Houde collabore depuis plus d’un an avec cinEXmedia. À l’invitation du directeur du partenariat, le professeur Santiago Hidalgo, elle a récemment accepté de prendre part à son plus ambitieux projet à ce jour à titre de cochercheuse. Ce nouveau programme de recherche, appelé à s’échelonner sur plusieurs années, porte sur les liens entre le cinéma et les rêves. Il explore notamment les façons particulières qu’ont les personnes aveugles et malvoyantes de rêver et d’entrer en relation avec le cinéma.
Dans le cadre de ce projet, qui vient tout juste d’obtenir une bourse du Conseil de recherches en sciences humaines du Canada, des données seront recueillies par le biais d’entrevues en contexte clinique afin de mieux comprendre la manière dont les personnes aveugles et malvoyantes rêvent. Il s’agira d’évaluer quels sont les sens mobilisés, quelles sont les thématiques récurrentes des rêves, etc. Les participant·es seront ensuite invité·es à produire des rapports de leurs rêves, lesquels serviront de base à des projets de recherche-création dont la nature reste à déterminer, tels que des courts métrages expérimentaux inspirés de ces descriptions.
Catheryne Houde a exercé la profession de juriste pendant plusieurs années. Elle occupe aujourd’hui le poste de gestionnaire-cadre en Inclusion, Diversité, Équité et Accessibilité à l’Institut national canadien pour les aveugles (INCA). Cet organisme a vu le jour après la Première Guerre mondiale, alors que des soldats rentraient de la guerre en ayant perdu la faculté de voir. Il existe donc depuis plus de cent ans.
INCA, qui est nouvellement partenaire de cinEXmedia, propose une panoplie de services ciblant des clientèles de tous âges. Il offre notamment des ressources personnalisées en fonction du parcours des individus aveugles ou malvoyants et des moments où ces personnes ont perdu la vision, incluant du soutien psychosocial en groupe et individuel, des bourses d’études, des trousses d’aide à la lecture et de l’aide juridique.
Meilleure intégration à la société
Comme le souligne Catheryne Houde, INCA offre « une précieuse occasion aux personnes aveugles et malvoyantes de se rencontrer ou de mieux s’intégrer à la société ». Grâce à l’organisme, par exemple, la plupart des demandeur·ses du primaire au secondaire sont désormais envoyé·es dans leur école de quartier, plutôt que d’être dirigé·es vers des écoles spécialisées.
« Ça fait toute la différence, explique la consultante. L’institut est une sorte de pallier entre le processus initial de perte de vision et celui de la réadaptation dans des centres qui offrent des soins plus personnalisés. Ces endroits accusent souvent d’importants temps d’attente. »
INCA offre également un soutien en matière de technologie, afin d’aider sa clientèle à utiliser un téléphone intelligent ou un ordinateur. « C’est surtout à travers ces outils que les personnes aveugles peuvent terminer leur éducation et se diriger vers le marché du travail, indique Catheryne Houde. On offre aussi du mentorat, de l’aide à la rédaction de curriculum vitae et à la préparation d’une entrevue. Nous cherchons à ce que les gens soient le plus autonomes possible. Par exemple, les CV ne sont pas rédigés par nos conseillers, mais par les personnes qui nous sollicitent. L’objectif est d’amener tout le monde au meilleur de leurs capacités et de favoriser l’autonomie. »
L’importance des proches et de la vidéodescription
Le partenariat avec le Laboratoire CinéMédias s’est mis sur pied lorsque Catheryne Houde est entrée au sein du comité consultatif de la Formation en médias inclusifs : audiodescription et vidéodescription de l’Université de Montréal, le premier programme du genre consacré à l’accessibilité aux médias audiovisuels offert en français dans une université canadienne.
Devenue non-voyante avant l’âge d’un an, la consultante a grandi dans une famille voyante qui écoutait beaucoup la télévision et qui fréquentait assidûment les salles de cinéma, à une époque où la vidéodescription n’était pas chose courante. Elle a ainsi toujours été exposée aux descriptions visuelles de ses frères et de ses sœurs. Le reste devait être comblé par son imagination et par la musique, qui lui permettaient de se construire une représentation du film.
La vidéodescription lui permet aujourd’hui de se sentir moins limitée face à l’accessibilité des contenus. Elle a grandement enrichi son rapport au cinéma. « Le lien au cinéma varie forcément selon le moment où l’on perd la vue, explique-t-elle. Moi, j’ai perdu la vue à huit mois, et je n’ai aucun souvenir de cette brève période où je pouvais voir. Une personne devenue non-voyante plus tard va puiser dans les images déjà perçues, dans les films qu’elle a vus. Mais il est certain que des dispositifs tels que la vidéodescription, dont le développement est facilité par les nouvelles technologies, gagneraient à être plus accessibles. »
Pour en savoir plus sur les projets d’accessibilité médiatique menés par le Laboratoire CinéMédias, consultez la section qui leur est dédiée sur notre site Web.