Des films éducatifs de la collection 16 mm de l’Université de Montréal, nouvellement numérisés au Laboratoire CinéMédias, font l’objet d’une nouvelle série d’événements.
Olivier Du Ruisseau
Dans le cadre du projet Cadavre Exquis dirigé par la revue numérique Hors Champ et le partenariat cinEXmedia, qui vise à numériser et à mettre en ligne les films de la collection 16 mm de l’Université de Montréal, des chercheur·ses présenteront cette année à l’université certains de ces films nouvellement numérisés au Laboratoire CinéMédias. La série de projections et de conférences, qui débutera cet automne, sera suivie en avril d’une journée d’étude sur le cinéma éducatif ou scientifique.
Chaque séance de la programmation consistera en la projection de deux à cinq films de la collection et donnera lieu à une discussion réunissant des spécialistes autour de thèmes choisis.
Rappelons que le projet Cadavre Exquis a pour objectif de numériser les films de la collection 16 mm de l’Université de Montréal et de les rendre accessible en ligne afin qu’ils puissent être réemployés par les chercheur·ses ou les artistes. Si des dizaines de films sont toujours en voie d’être numérisés, plusieurs autres le sont déjà, en plus d’avoir été visionnés et évalués par les équipes d’Hors Champ et du Laboratoire CinéMédias.
« Le projet, dans son ensemble, remonte à dix ans au moins, affirme André Habib, directeur de la revue Hors Champ et chercheur membre de cinEXmedia. Les bibliothèques de l’Université de Montréal avaient conservé autour de 1000 à 1500 titres en 16 mm. La plupart étaient des supports audiovisuels pour les cours, dont certains avaient été créés sur mesure. La Faculté de médecine, entre autres, en avait fait produire beaucoup. Quand on a appris que l’université prévoyait détruire la collection, on a voulu faire tout ce qu’on pouvait pour la préserver. »
Ciné-club
Il a d’abord fallu convaincre la direction de l’Université de Montréal de la pertinence du projet ainsi que du potentiel des films pour la recherche et la création artistique. « On a invité des membres de la direction à une projection d’une magnifique copie 16 mm de Toute la mémoire du monde (Alain Resnais, 1956) issue de la collection, raconte le chercheur. Un ciné-club a aussi été lancé par Ines Guennaoui, en collaboration avec Dolorès Parenteau-Rodriguez. On y présentait des films de la collection de temps en temps. Le succès de ces initiatives nous a non seulement convaincu·es de l’intérêt de démarrer un projet avec ces films-là, mais il nous a aussi permis d’empêcher leur destruction par l’université. »
Bien qu’on y trouve quelques titres de cinéastes connus, comme Alain Resnais et Pierre Perrault, ou encore certaines productions de l’Office national du film du Canada, la collection se compose surtout de commandes des facultés au bureau de production audiovisuelle de l’université et de films scientifiques achetés par l’institution. « La Faculté de médecine avait beaucoup de contenu, dit André Habib. Il y a des films plus techniques, comme un guide de montage de lit d’hôpital, ou d’autres très touchants, dont un film présentant des entrevues avec des étudiant[·e]s qui parlent de leur dépression. C’est un bon exemple de ce que le cinéma pouvait faire à l’époque : rendre audible [et visible] la douleur, le mal-être, à une époque où l’on pensait que la psychiatrie était brutale. »
« Ce film-là était particulièrement touchant », renchérit Annaëlle Winand, chercheuse impliquée dans le projet Cadavre Exquis. Selon elle, c’est aussi le contexte dans lequel elle a visionné le film qui a contribué à son appréciation de l’archive : « Tous les films de la collection avaient préalablement été classifiés en fonction de différents critères, comme leur titre ou leur sujet, mais pour la plupart d’entre eux, nous ne savions pas à quoi nous attendre avant de les voir. On a donc organisé des séances de visionnement en groupes, avec nos ami·es, pour partager nos impressions et déterminer ce qui pouvait être intéressant ou problématique, par exemple. »
Décloisonnement
Louis Pelletier, un chercheur lui aussi impliqué dans le projet Cadavre Exquis ayant numérisé nombre de films de la collection, soutient que cela témoigne de « l’intérêt que suscitent les médias analogiques et du plaisir que l’on peut avoir à les conserver ». « On peut oublier les films, mais ils ne disparaissent jamais complètement, dit-il. Et c’est un plaisir, en tant que chercheur·se, de les réactualiser à la lumière de nos réalités d’aujourd’hui et de les faire dialoguer entre eux. »
« Le décloisonnement des disciplines est autre élément central au projet, poursuit le chercheur. Avec nos événements, on souhaite faire des rapprochements entre les dimensions formelles (artistiques) et scientifiques des films, ou encore entre différentes disciplines, en associant des films et/ou des invité·es qu’on ne présenterait pas ensemble normalement. La collection nous fait notamment remarquer que plusieurs films éducatifs ont été réalisés avec une véritable démarche artistique, comme ceux d’Éric Duvivier, le neveu du cinéaste Julien Duvivier. Un grand nombre de courts métrages vont au-delà du film pédagogique de commande. […] Et on a très hâte de commencer à les présenter à l’automne. »
La première séance du programme d’Hors Champ aura lieu le 8 octobre, à 18h, au local C3061 du Carrefour des arts et sciences de l’Université de Montréal. Seront projetés les films Je m’universifie (Constantin Fotinas, 1971), L’arbre (Niagara Films, 1962) et Le foyer du progrès (Associated Screen News of Canada, 1947-1948). Les films seront présentés par Micheline Cambron et Nino Gabrielli et la projection sera suivie d’une discussion avec Frédéric Bouchard, Doyen de la Faculté des arts et sciences. La programmation complète, présentée dans le cadre de l’Observatoire du cinéma au Québec, est disponible ici.