Lumière sur le cinéma éducatif de l’Université de Montréal

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Des films édu­ca­tifs de la col­lec­tion 16 mm de l’Université de Mont­réal, nou­vel­le­ment numé­ri­sés au Labo­ra­toire Ciné­Mé­dias, font l’objet d’une nou­velle série d’événements.

Image tirée du film Jekyl­lum de Claude Schnee­gans (1974) | Cour­toi­sie de Hors Champ

Dans le cadre du pro­jet Cadavre Exquis diri­gé par la revue numé­rique Hors Champ et le par­te­na­riat cinEXmedia, qui vise à numé­ri­ser et à mettre en ligne les films de la col­lec­tion 16 mm de l’Université de Mont­réal, des chercheur·ses pré­sen­te­ront cette année à l’université cer­tains de ces films nou­vel­le­ment numé­ri­sés au Labo­ra­toire Ciné­Mé­dias. La série de pro­jec­tions et de confé­rences, qui débu­te­ra cet automne, sera sui­vie en avril d’une jour­née d’étude sur le ciné­ma édu­ca­tif ou scientifique.

Chaque séance de la pro­gram­ma­tion consis­te­ra en la pro­jec­tion de deux à cinq films de la col­lec­tion et don­ne­ra lieu à une dis­cus­sion réunis­sant des spé­cia­listes autour de thèmes choisis.

Rap­pe­lons que le pro­jet Cadavre Exquis a pour objec­tif de numé­ri­ser les films de la col­lec­tion 16 mm de l’Université de Mont­réal et de les rendre acces­sible en ligne afin qu’ils puissent être réem­ployés par les chercheur·ses ou les artistes. Si des dizaines de films sont tou­jours en voie d’être numé­ri­sés, plu­sieurs autres le sont déjà, en plus d’avoir été vision­nés et éva­lués par les équipes d’Hors Champ et du Labo­ra­toire CinéMédias.

« Le pro­jet, dans son ensemble, remonte à dix ans au moins, affirme André Habib, direc­teur de la revue Hors Champ et cher­cheur membre de cinEXmedia. Les biblio­thèques de l’Université de Mont­réal avaient conser­vé autour de 1000 à 1500 titres en 16 mm. La plu­part étaient des sup­ports audio­vi­suels pour les cours, dont cer­tains avaient été créés sur mesure. La Facul­té de méde­cine, entre autres, en avait fait pro­duire beau­coup. Quand on a appris que l’université pré­voyait détruire la col­lec­tion, on a vou­lu faire tout ce qu’on pou­vait pour la préserver. »

Ciné-club

Il a d’abord fal­lu convaincre la direc­tion de l’Université de Mont­réal de la per­ti­nence du pro­jet ain­si que du poten­tiel des films pour la recherche et la créa­tion artis­tique. « On a invi­té des membres de la direc­tion à une pro­jec­tion d’une magni­fique copie 16 mm de Toute la mémoire du monde (Alain Resnais, 1956) issue de la col­lec­tion, raconte le cher­cheur. Un ciné-club a aus­si été lan­cé par Ines Guen­naoui, en col­la­bo­ra­tion avec Dolo­rès Paren­teau-Rodri­guez. On y pré­sen­tait des films de la col­lec­tion de temps en temps. Le suc­cès de ces ini­tia­tives nous a non seule­ment convaincu·es de l’intérêt de démar­rer un pro­jet avec ces films-là, mais il nous a aus­si per­mis d’empêcher leur des­truc­tion par l’université. »

Bien qu’on y trouve quelques titres de cinéastes connus, comme Alain Resnais et Pierre Per­rault, ou encore cer­taines pro­duc­tions de l’Office natio­nal du film du Cana­da, la col­lec­tion se com­pose sur­tout de com­mandes des facul­tés au bureau de pro­duc­tion audio­vi­suelle de l’université et de films scien­ti­fiques ache­tés par l’institution. « La Facul­té de méde­cine avait beau­coup de conte­nu, dit André Habib. Il y a des films plus tech­niques, comme un guide de mon­tage de lit d’hôpital, ou d’autres très tou­chants, dont un film pré­sen­tant des entre­vues avec des étudiant[·e]s qui parlent de leur dépres­sion. C’est un bon exemple de ce que le ciné­ma pou­vait faire à l’époque : rendre audible [et visible] la dou­leur, le mal-être, à une époque où l’on pen­sait que la psy­chia­trie était brutale. »

« Ce film-là était par­ti­cu­liè­re­ment tou­chant », ren­ché­rit Annaëlle Winand, cher­cheuse impli­quée dans le pro­jet Cadavre Exquis. Selon elle, c’est aus­si le contexte dans lequel elle a vision­né le film qui a contri­bué à son appré­cia­tion de l’archive : « Tous les films de la col­lec­tion avaient préa­la­ble­ment été clas­si­fiés en fonc­tion de dif­fé­rents cri­tères, comme leur titre ou leur sujet, mais pour la plu­part d’entre eux, nous ne savions pas à quoi nous attendre avant de les voir. On a donc orga­ni­sé des séances de vision­ne­ment en groupes, avec nos ami·es, pour par­ta­ger nos impres­sions et déter­mi­ner ce qui pou­vait être inté­res­sant ou pro­blé­ma­tique, par exemple. »

Décloi­son­ne­ment

Louis Pel­le­tier, un cher­cheur lui aus­si impli­qué dans le pro­jet Cadavre Exquis ayant numé­ri­sé nombre de films de la col­lec­tion, sou­tient que cela témoigne de « l’intérêt que sus­citent les médias ana­lo­giques et du plai­sir que l’on peut avoir à les conser­ver ». « On peut oublier les films, mais ils ne dis­pa­raissent jamais com­plè­te­ment, dit-il. Et c’est un plai­sir, en tant que chercheur·se, de les réac­tua­li­ser à la lumière de nos réa­li­tés d’aujourd’hui et de les faire dia­lo­guer entre eux. »

« Le décloi­son­ne­ment des dis­ci­plines est autre élé­ment cen­tral au pro­jet, pour­suit le cher­cheur. Avec nos évé­ne­ments, on sou­haite faire des rap­pro­che­ments entre les dimen­sions for­melles (artis­tiques) et scien­ti­fiques des films, ou encore entre dif­fé­rentes dis­ci­plines, en asso­ciant des films et/ou des invité·es qu’on ne pré­sen­te­rait pas ensemble nor­ma­le­ment. La col­lec­tion nous fait notam­ment remar­quer que plu­sieurs films édu­ca­tifs ont été réa­li­sés avec une véri­table démarche artis­tique, comme ceux d’Éric Duvi­vier, le neveu du cinéaste Julien Duvi­vier. Un grand nombre de courts métrages vont au-delà du film péda­go­gique de com­mande. […] Et on a très hâte de com­men­cer à les pré­sen­ter à l’automne. »

La pre­mière séance du pro­gramme d’Hors Champ aura lieu le 8 octobre, à 18h, au local C3061 du Car­re­four des arts et sciences de l’Université de Mont­réal. Seront pro­je­tés les films Je m’universifie (Constan­tin Foti­nas, 1971), L’arbre (Nia­ga­ra Films, 1962) et Le foyer du pro­grès (Asso­cia­ted Screen News of Cana­da, 1947-1948). Les films seront pré­sen­tés par Miche­line Cam­bron et Nino Gabriel­li et la pro­jec­tion sera sui­vie d’une dis­cus­sion avec Fré­dé­ric Bou­chard, Doyen de la Facul­té des arts et sciences. La pro­gram­ma­tion com­plète, pré­sen­tée dans le cadre de l’Observatoire du ciné­ma au Qué­bec, est dis­po­nible ici.