La plateforme de documentaires s’est associée au Laboratoire CinéMédias pour présenter un programme d’archives télévisuelles de Radio-Canada.
Olivier Du Ruisseau
Des débats sur le financement de Radio-Canada refont surface ces dernières années, alors que de nombreuses études font état d’une perte de confiance du public envers les médias traditionnels et d’une exacerbation de la polarisation politique partout au pays.
Certaines personnes souhaitent supprimer ou réduire le financement de la société d’État, tandis que d’autres estiment qu’elle occupe une place essentielle dans l’écosystème médiatique canadien, à l’heure où la télévision traditionnelle fait face à une concurrence féroce de la part des plateformes de diffusion en continu.
Pour défendre le mandat du diffuseur public et la capacité de la télévision à « pousser la réflexion collective » dans ce contexte, Naomie Décarie-Daigneault, directrice artistique de la plateforme de documentaires Tënk, a mis sur pied un programme de films avec le Laboratoire CinéMédias.
Intitulé L'héritage de Radio-Canada : quand la télévision donnait à penser, le programme est constitué de deux entretiens, d’un portrait d’artiste et d’un téléthéâtre, tous tirés des archives de Radio-Canada. Diffusés à l’hiver dernier pour une durée limitée dans le cadre des Escales, une série de Tënk, les films ne sont maintenant plus disponibles à la demande. Des fiches d’information demeurent toutefois en ligne ici.
« Un rôle pédagogique de premier plan »
Naomie Décarie-Daigneault affirme que les « cinéphiles ont toujours regardé la télévision de haut », mais que « celle-ci peut jouer un rôle pédagogique de premier plan . Tout particulièrement Radio-Canada, qui donnait régulièrement la parole à de grands intellectuels à une certaine époque. »
« Je pense qu’on peut faire valoir l’importance des médias traditionnels tout en demeurant critique à l’égard de leur travail, poursuit la programmatrice. L’une des façons que nous avons trouvées, chez Tënk, est de se tourner vers le passé. Certaines archives de Radio-Canada sont d’une qualité impressionnante. »
L’occasion de rendre hommage à ces archives s’est présentée dans la foulée de la parution du dernier numéro du magazine Spirale, codirigé par la chercheuse Stéphany Boisvert et par Thomas-Carrier Lafleur, directeur adjoint et coordonnateur de la recherche du Laboratoire CinéMédias.
« On voulait collaborer avec Spirale depuis longtemps, et quand j’ai su que le prochain numéro du magazine serait consacré à la télévision, j’ai compris qu’on pourrait enfin investir des archives télévisuelles, explique Naomie Décarie-Daigneault. La collaboration avec CinéMédias s’est ensuite naturellement imposée, grâce à Thomas Carrier-Lafleur, qui nous a notamment aidés à financer nos démarches auprès de Radio-Canada. »
Le programme est constitué des quatre films suivants :
- Anaïs Nin (Georges Dufresne, entretien avec Fernand Seguin, 1969)
- Portrait d’Edgar Varèse (Suzanne Mercure, entretien avec Fernand Ouellette, 1967)
- La charge de l’orignal épormyable (Jean Salvy, téléthéâtre, 1992)
- Susan Sontag (Aline Desjardins, émission Femmes d’aujourd’hui, 1996)
Cet ensemble de films « représente toute la diversité de la programmation culturelle de Radio-Canada de la deuxième moitié du XXe siècle, souligne la directrice artistique de Tënk. Il ne s’en fait plus, des émissions comme Les Beaux Dimanches, où l’on avait entièrement confiance que le public embarquerait dans la proposition, aussi éclatée soit-elle. »
Nouveau partenariat
Ce programme de Tënk marque également le début d’un nouveau partenariat entre cinEXmedia et la plateforme. Celui-ci pourrait se décliner de plusieurs façons à l’avenir, explique Naomie Décarie-Daigneault : « Nous travaillons présentement à un projet de programmation sur le cinéma somatique pour lequel le numériseur du laboratoire pourrait nous être utile. Nous souhaitons aussi renforcer nos liens avec la communauté universitaire de façon générale et cinEXmedia me paraît un excellent partenaire pour le faire. »
La plateforme Tënk a d’abord été fondée en 2016, en France, sous forme de coopérative, pour diffuser en ligne des documentaires d’auteur en Europe francophone. En 2020, la version canadienne a vu le jour, à Montréal, sous la codirection de Naomie Décarie-Daigneault et de Florence Lamothe.
« Nous essayons de promouvoir une vision la plus horizontale possible de la programmation, résume Naomie Décarie-Daigneault. Nous avons une équipe permanente d’une vingtaine de personnes à la programmation en alternance, et nous collaborons souvent avec des organismes et des professionnels du milieu du cinéma pour mettre en place des programmes plus éphémères. Notre collaboration avec cinEXmedia en est un très bon exemple, et j’ai hâte de voir où elle va nous mener par la suite. »