CinéMédias se tourne vers Érudit pour diffuser ses livres en libre accès

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Le labo­ra­toire vient de publier plu­sieurs ouvrages numé­riques sur cette pla­te­forme qui pro­pose des for­mats inédits pour mettre en lumière sa recherche.

Le site Web de l’Ency­clo­pé­die rai­son­née des tech­niques du cinéma

Depuis quelques années, des chercheur·ses affilié·es à cinEXmedia et au Labo­ra­toire Ciné­Mé­dias prennent part à des pro­jets d’édition numé­rique d’envergure. Deux d’entre eux ont récem­ment été menés à terme. Rémy Bes­son, coor­don­na­teur scien­ti­fique du par­te­na­riat TECHNÈS, a super­vi­sé la réédi­tion et la dif­fu­sion, sur la pla­te­forme Éru­dit, d’une tren­taine de par­cours de l’Ency­clo­pé­die rai­son­née des tech­niques du ciné­ma. Mar­nie Maris­cal­chi, res­pon­sable des publi­ca­tions de Ciné­Mé­dias, coor­donne quant à elle d’autres pro­jets d’édition du labo­ra­toire, dont cer­tains doivent paraître prochainement.

Pré­ci­sons tout d’abord que TECHNÈS est un par­te­na­riat inter­na­tio­nal de recherche fon­dé en 2013 par André Gau­dreault, Laurent Le Fores­tier et Gilles Mouël­lic et finan­cé par le CRSH qui réunit une cin­quan­taine de chercheur·ses et 18 ins­ti­tu­tions, dont des ciné­ma­thèques et des uni­ver­si­tés. Aujourd’hui une infra­struc­ture du Labo­ra­toire Ciné­Mé­dias, sa mis­sion est de « repen­ser l’histoire du ciné­ma et ses méthodes en inter­ro­geant les tech­niques et les tech­no­lo­gies qui ont accom­pa­gné les muta­tions du médium depuis le 20e siècle », indique son site Web.

L’Ency­clo­pé­die rai­son­née des tech­niques du ciné­ma com­prend à ce jour une tren­taine de par­cours thé­ma­tiques, qui abordent des thèmes aus­si variés que l’évolution des appa­reils de prise de vues, la trans­for­ma­tion des métiers du ciné­ma ou encore les dis­cours por­tant sur la tech­nique. Sa rédac­tion a impli­qué plus de 80 personnes.

En plus de pro­po­ser des points de vue éclai­rants sur une grande varié­té de sujets, cet ouvrage se dis­tingue des autres ency­clo­pé­dies par ses méthodes d’édition nova­trices. Presque tous les par­cours ont été réédi­tés, sous la super­vi­sion de Rémy Bes­son, sous forme de livres numé­riques et dif­fu­sés en libre accès sur la pla­te­forme qué­bé­coise Éru­dit. Alex Dela­grave, char­gé de pro­jet, col­lec­tions numé­riques, au labo­ra­toire, a éga­le­ment mené une part impor­tante de ce travail.

Le 29 avril, TECHNÈS a d’ailleurs mar­qué un jalon impor­tant de son his­toire avec le lan­ce­ment de ces livres numé­riques à la Ciné­ma­thèque qué­bé­coise, dans le cadre du congrès annuel de la Fédé­ra­tion inter­na­tio­nale des archives du film (FIAF). Le len­de­main, une jour­née d’étude réunis­sant plu­sieurs chercheur·ses ayant pris part au pro­jet a été orga­ni­sée à l’Université de Mont­réal. Ces évé­ne­ments ont cou­ron­né près de quinze ans de tra­vail, les pre­mières ini­tia­tives de ce par­te­na­riat impli­quant André Gau­dreault, Laurent Le Fores­tier et Gilles Mouël­lic remon­tant au tout début des années 2010.

Un ouvrage « conçu spé­ci­fi­que­ment pour le numérique »

Rémy Bes­son a cosi­gné, avec André Gau­dreault et Laurent Le Fores­tier, un article décri­vant l’Ency­clo­pé­die et la phi­lo­so­phie der­rière son tra­vail d’édition dans l’avant-dernier numé­ro du Jour­nal of Film Pre­ser­va­tion de la FIAF (no 111, octobre 2024). « Dès le départ, cette entre­prise édi­to­riale d’ampleur inter­na­tio­nale a été pen­sée dif­fé­rem­ment de la plu­part des pro­jets ency­clo­pé­diques actuels, tels que Wiki­pé­dia, car elle n’a jamais visé à abor­der l’ensemble des aspects d'un domaine d’étude via de courtes notices por­tant sur des thé­ma­tiques larges, écrite dans un style neutre et pré­ten­dant à une forme d’objectivité, ont écrit les auteurs. Il s’est plu­tôt s’agit de créer des par­cours thé­ma­tiques for­te­ment pro­blé­ma­ti­sés et liés aux tra­vaux d’un cher­cheur ou d’un petit groupe de cher­cheurs ayant déve­lop­pé sur ce sujet un point de vue personnel. »

Dans un autre texte inti­tu­lé « La place des sources docu­men­taires dans l’écriture de l’histoire à l’ère du numé­rique » (2023), dans Les Cahiers de Fra­mes­pa, Rémy Bes­son s’intéresse davan­tage au réfé­ren­ce­ment des sources dans le cadre du pro­jet. Il sou­tient que « le modèle de cette ency­clo­pé­die est pen­sé comme une alter­na­tive qui vise à rendre visibles les sources dans l’écriture même de l’histoire en leur don­nant une fonc­tion argu­men­ta­tive ». À ce pro­pos, Rémy Bes­son cri­tique l’habitude, en his­toire, de relé­guer les sources en notes de bas de page ou en annexe. Dans l’Ency­clo­pé­die de TECHNÈS, elles sont plu­tôt pla­cées au centre du texte et ren­dues « direc­te­ment acces­sibles », dit-il, pour la per­sonne qui lit.

En entre­vue, le cher­cheur pré­cise que l’Encyclopédie est « conçue spé­ci­fi­que­ment pour le numé­rique ». C’est pour­quoi celle-ci com­prend des com­po­santes propres à ce sup­port : navi­ga­tion inter­ac­tive, hyper­liens, médias audio­vi­suels, etc. Ain­si, les sources ne deviennent plus seule­ment des outils pour illus­trer ou « prou­ver » des idées – elle sont davan­tage inté­grées dans le rai­son­ne­ment et elles « par­ti­cipent à la construc­tion du dis­cours his­to­rique », explique le cher­cheur. Autre­ment dit, l’auteur·rice s’appuie sur elles pour for­mu­ler ses argu­ments, puis le lec­to­rat les consulte en contexte, ce qui lui per­met de mieux com­prendre son raisonnement.

Des livres « acces­sibles sur le long terme »

Les par­cours de l’Ency­clo­pé­die se trouvent désor­mais dans la sec­tion « Livres et actes » d’Érudit. « Notre objec­tif est de les rendre acces­sibles sur le long terme », pour­suit Rémy Bes­son. De fait, alors que le finan­ce­ment de TECHNÈS arrive à échéance, et même si le site Web de l’Ency­clo­pé­die res­te­ra actif après la fin de celui-ci, les livres numé­riques « demeurent plus pérennes », dit-il.

Pour se faire, les livres ont d’abord été publiés sur la pla­te­forme Papy­rus de l’Université de Mont­réal. « Cela fait en sorte qu’ils ont pu être iden­ti­tés avec un DOI (Digi­tal Object Iden­ti­fier), qui a ensuite été relayé par Éru­dit », ajoute le cher­cheur. Par ailleurs, des vignettes en hyper­liens dans les fichiers PDF de chaque ouvrage ren­voient vers des médias et des méta­don­nées ins­crites dans une base de don­nées d’Omeka S.

« L’Ency­clo­pé­die a tou­jours été conçue comme une expé­ri­men­ta­tion édi­to­riale, comme une oppor­tu­ni­té de trou­ver de nou­velles façons de pré­sen­ter nos don­nées tout en fai­sant en sorte que nos sup­ports demeurent stables, conclut Rémy Bes­son. Puisqu’on tra­vaillait sur l’histoire de la tech­nique, notre tra­vail d’édition se devait d’être en phase avec ces enjeux-là, avec le fait que le ciné­ma est deve­nu un média numérique. »

Des col­lec­tions « sur mesure »

Mar­nie Maris­cal­chi coor­donne les autres pro­jets édi­to­riaux de Ciné­Mé­dias, déve­lop­pant des col­lec­tions « sur mesure », en fonc­tion des conte­nus exis­tants que les membres sou­haitent valo­ri­ser et mettre en cir­cu­la­tion. « En agis­sant comme édi­teur pour ses membres, dans une logique d'auto-édition, le labo­ra­toire se donne les moyens d'assurer la dif­fu­sion de la recherche, d'améliorer la visi­bi­li­té et, sur­tout, la décou­vra­bi­li­té de conte­nus autre­ment inac­ces­sibles – confor­mé­ment aux prin­cipes de la science ouverte », résume-t-elle.

Ciné­Mé­dias a créé ain­si une pre­mière col­lec­tion inti­tu­lée Entre­tiens et réflexion, afin de per­mettre la publi­ca­tion d'entrevues et d'échanges ayant été réa­li­sés dans le cadre des acti­vi­tés du labo­ra­toire. Deux livres sont déjà en pré­pa­ra­tion : Sam­sa­ra de Lois Patiño : une expé­rience ciné­ma­to­gra­phique au rythme médi­ta­tif, sous la direc­tion de San­tia­go Hidal­go, et Mémoires de pro­gram­ma­teurs d’arts de la scène à la télé­vi­sion, sous la direc­tion de Marie-Odile Demay. Tous deux sont basés sur des entre­tiens menés par ces chercheur·ses affi­liés à cinEXmedia et doivent paraître prochainement.

« C’est l’existence même de ces conte­nus qui est à l’origine de la créa­tion de la col­lec­tion, qui en a été l’impulsion », sou­ligne Mar­nie Mariscalchi.