Le FNC souligne l’importance de la vidéodescription

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Dans le cadre du Fes­ti­val du nou­veau ciné­ma (FNC), le par­te­na­riat cinEXmedia a coor­ga­ni­sé un ate­lier consa­cré à l’univers de la vidéo­des­crip­tion – un pro­ces­sus tech­nique cru­cial qui n’est tou­te­fois pas encore régle­men­té au Canada.

Pho­to : Adil Bou­kind (FNC) | De gauche à droite : Émi­lie Huber­deau, Mar­tine Bédard et Emma­nuelle Orange-Parent

Le 18 octobre der­nier, le par­te­na­riat cinEXmedia, en col­la­bo­ra­tion avec le Labo­ra­toire Ciné­Mé­dias, a coor­ga­ni­sé, dans le cadre du Fes­ti­val du nou­veau ciné­ma (FNC), un ate­lier de for­ma­tion consa­cré à la créa­tion et à la dif­fu­sion de la vidéo­des­crip­tion, un pro­ces­sus qui per­met d’illustrer com­ment le public peut se repré­sen­ter men­ta­le­ment ce qui se passe à l’écran. L’événement était ani­mé par deux for­ma­trices, soit Émi­lie Huber­deau, spé­cia­liste en acces­si­bi­li­té des médias à la chaîne spé­cia­li­sée AMI-télé, et Emma­nuelle Orange-Parent, super­vi­seure des opé­ra­tions au dépar­te­ment de vidéo­des­crip­tion des stu­dios MELS.

Ce panel, gra­tuit et ouvert au public, a mis en lumière des pra­tiques exem­plaires en matière de vidéo­des­crip­tion ain­si que les façons de les mettre en place dans la pro­duc­tion ciné­ma­to­gra­phique. Les deux for­ma­trices étaient accom­pa­gnées de Mar­tine Bédard, pré­si­dente du conseil d’administration du Regrou­pe­ment des aveugles et amblyopes du Mont­réal métro­po­li­tain (RAAMM), éga­le­ment per­sonne non voyante depuis six ans et férue de culture ayant lar­ge­ment expé­ri­men­té la vidéodescription.

L’atelier pré­sen­tait notam­ment de manière détaillée les dif­fé­rentes tech­niques, exi­gences et contraintes qu’implique la créa­tion de cet outil des­ti­né à rendre la culture acces­sible. Il a aus­si per­mis de sou­li­gner l’importance de cet outil d’inclusion sociale et cultu­relle. À cet égard, la dis­cus­sion a d’emblée cer­né un enjeu impor­tant : alors que l’industrie télé­vi­suelle béné­fi­cie d’une régle­men­ta­tion entou­rant la néces­si­té de la vidéo­des­crip­tion aux heures spé­ci­fiques de grande écoute, le ciné­ma, lui, en est exemp­té, restrei­gnant ain­si l’accès aux pro­duc­tions ciné­ma­to­gra­phiques d’ici.

Le témoi­gnage offert par Mar­tine Bédard a en outre per­mis à l’assistance de mieux com­prendre l’expérience qu’une per­sonne aveugle ou ayant une vision par­tielle peut faire du conte­nu vidéo­dé­crit. Comme l’a expli­qué cette usa­gère régu­lière de la vidéo­des­crip­tion, au-delà du confort et de la pos­si­bi­li­té d’immersion totale que ce pro­ces­sus rend pos­sible, il s’agit pour elle d’avoir accès à une culture visuelle autre­ment inexis­tante, lui per­met­tant de pas­ser des moments pri­vi­lé­giés avec ses proches, immer­gée dans des scènes dont elle peut désor­mais suivre le dérou­le­ment et sai­sir les émotions.

Mar­tine Bédard mobi­lise aujourd’hui sa pas­sion pour la culture sous toutes ses formes, afin de sen­si­bi­li­ser les salles de ciné­ma et autres orga­nismes cultu­rels pour qu’ils se dotent d’outils de vidéo­des­crip­tion (ou d’audiodescription, selon le média en question).

Opé­ra­tions complexes

Émi­lie Huber­deau et Emma­nuelle Orange-Parent ont quant à elles décor­ti­qué les opé­ra­tions com­plexes menant à la créa­tion d’une vidéo­des­crip­tion. Elles ont exa­mi­né dif­fé­rentes pra­tiques exem­plaires en la matière, ce qui leur a per­mis de mon­trer les nom­breux choix que cette créa­tion implique.

Trois grandes étapes, soit la rédac­tion, l’enregistrement et le mixage de la des­crip­tion orale, orchestrent la créa­tion d’une vidéo­des­crip­tion. Il s’agit de s’assurer que l’expérience que vivent les indi­vi­dus aveugles ou vivant avec une vision par­tielle révèle les détails de l’intrigue de la même manière qu’ils sont dévoi­lés au public voyant. Un énorme tra­vail de réflexion est donc impli­qué dans la créa­tion de la vidéodescription.

À titre d’exemples, on note­ra qu’il existe un ordre de prio­ri­té des détails à res­pec­ter, selon dif­fé­rentes contraintes – tel que le temps que dure une scène –, le but étant de tra­duire fidè­le­ment le rythme de l’œuvre tout en pré­ser­vant sa clar­té et sa flui­di­té. Il est par ailleurs essen­tiel d’éviter que le public se perde dans une piste sonore trop dense ou sur­char­gée. Il faut éga­le­ment consi­dé­rer de nom­breuses autres don­nées, telles que le public cible, le conte­nu (et notam­ment les silences) ou encore le niveau de langue employé, afin de conce­voir une vidéo­des­crip­tion fidèle au ton de l’œuvre et aux inten­tions du ou de la cinéaste. Lors de la créa­tion d’une vidéo­des­crip­tion, il faut donc régu­liè­re­ment faire appel à son esprit cri­tique pour embras­ser la sin­gu­la­ri­té de l’œuvre à par­tir de laquelle on travaille.

« Tout le monde peut jouer un rôle »

Si l’atelier au FNC a per­mis une immer­sion au cœur des dif­fé­rentes manières d’approcher la vidéo­des­crip­tion en tenant compte de l’authenticité de l’expérience ciné­ma­to­gra­phique, il a aus­si mis en lumière l’importance de conscien­ti­ser le public quant à l’accessibilité de la culture pour les per­sonnes non voyantes ou malvoyantes. 

La pos­si­bi­li­té d’intégrer la vidéo­des­crip­tion au moment de l’écriture du scé­na­rio a notam­ment fait l’objet d’une réflexion lors de l’atelier. Émi­lie Huber­deau a expli­qué qu’il lui arrive par­fois de se faire deman­der son appro­ba­tion pour des pro­jets en cours d’écriture, ce qui montre que ce pro­ces­sus peut être réflé­chi en amont.

La for­ma­trice a d’ailleurs conclu l’événement en affir­mant que « tout le monde peut jouer un rôle dans l’accès à la culture », que ce soit en sen­si­bi­li­sant les salles de ciné­ma pour qu’elles informent leur public sur la néces­si­té de la vidéo­des­crip­tion ou en encou­ra­geant le public à mani­fes­ter son inté­rêt pour la vidéo­des­crip­tion d’un plus grand nombre de films.

Emma­nuelle Orange-Parent a abon­dé dans le même sens. « La vidéo­des­crip­tion trans­forme ma per­cep­tion du ciné­ma, a expli­qué la for­ma­trice. Tout le monde est gagnant dans cette pers­pec­tive de vie en socié­té où il est pos­sible de consom­mer la culture dif­fé­rem­ment. Et l’idée de vivre dans une com­mu­nau­té diver­si­fiée est tel­le­ment sécurisante. »

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Du 30 jan­vier au 6 mars 2025, Émi­lie Huber­deau et Emma­nuelle Orange-Parent pro­po­se­ront des for­ma­tions en audio­des­crip­tion et en vidéo­des­crip­tion à l’Université de Mont­réal grâce à l’appui du par­te­na­riat cinEXmedia. Il est tou­jours pos­sible de s’inscrire à ces for­ma­tions sur le site Web de Praxis, le Centre de déve­lop­pe­ment pro­fes­sion­nel de l’Université de Montréal.