Portrait : Olivier Daigle, astrophysicien cinéphile

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Le scien­ti­fique et entre­pre­neur a récem­ment ani­mé à l’Université de Mont­réal une séance de sémi­naire sur l’apport des sciences au ciné­ma de science-fiction.

Oli­vier Daigle | Cour­toi­sie de Nüvü Camēras

Le 18 juin der­nier, lors d’une séance excep­tion­nelle du sémi­naire de maî­trise en ciné­ma du pro­fes­seur San­tia­go Hidal­go « CIN-2106 – Thème choi­si : Le ciné­ma et la science », tenu à l’Université de Mont­réal, l’astrophysicien Oli­vier Daigle a été invi­té à ani­mer un ciné-club por­tant sur la part scien­ti­fique d’œuvres ciné­ma­to­gra­phiques de science-fiction.

Alors qu’il ter­mi­nait son doc­to­rat en astro­phy­sique en 2010, Oli­vier Daigle a mis au point un dis­po­si­tif per­met­tant d’améliorer consi­dé­ra­ble­ment la qua­li­té des images cap­tées par les camé­ras astro­no­miques, une inven­tion que la NASA s’est empres­sée de se pro­cu­rer. Aujourd’hui, il est direc­teur de la tech­no­lo­gie chez Nüvü Came­ras, une entre­prise qu’il a cofondée.

Féru de science comme de ciné­ma, Oli­vier Daigle n’a pas hési­té à accep­ter l’invitation de San­tia­go Hidal­go à venir ani­mer une séance de son sémi­naire de maî­trise. « Je trou­vais inté­res­sant de rap­pro­cher ces deux domaines que j’ai tou­jours aimés, dit-il. Ça per­met de pré­sen­ter les sciences à de très large audi­toires, et d’amener des concepts scien­ti­fiques appuyés, ce qui est très impor­tant aujourd’hui, avec toute la désinformation. »

« Deux milieux qui se nour­rissent beau­coup l’un l’autre »

L’astrophysicien pré­cise que ce ciné-club était sa pre­mière incur­sion dans le monde des études ciné­ma­to­gra­phiques. Il remarque néan­moins « qu’à tra­vers le temps, il y a un plus grand sou­ci au ciné­ma de bien repré­sen­ter la science, de ne pas trop la tordre ». Il pense notam­ment « que plu­sieurs films récents sont habi­tés par un sou­ci de racon­ter une his­toire qui est plau­sible scientifiquement ».

Pour Oli­vier Daigle, l’apport du ciné­ma aux sciences natu­relles, une thé­ma­tique qui était au centre de sa pré­sen­ta­tion lors du sémi­naire, est double : « Du point de vue de la vul­ga­ri­sa­tion et de l’exposition à la science, je pense que de bons films qui mettent bien en valeur les sciences peuvent ame­ner les jeunes et les moins jeunes à aller vers la science, à faire car­rière là-dedans. »

« D’un point de vue tech­nique, ajoute l’astrophysicien, l’apport est plu­tôt bidi­rec­tion­nel : si une tech­no­lo­gie évo­lue et nous per­met de conce­voir de meilleurs cap­teurs scien­ti­fiques, par exemple, les amé­lio­ra­tions au niveau de la sen­si­bi­li­té à la lumière et de la rapi­di­té de la prise d’image peuvent aus­si ser­vir pour des appa­reils ciné­ma­to­gra­phiques. Inver­se­ment, des camé­ras haute vitesse qui peuvent être déve­lop­pées pour cer­tains besoins ciné­ma­to­gra­phiques peuvent être uti­li­sées en science pour étu­dier des phé­no­mènes par­ti­cu­liè­re­ment rapides. »

Pen­dant les pre­mières années d’activité de Nüvü Came­ras, les tech­no­lo­gies déve­lop­pées par Oli­vier Daigle et son équipe ont béné­fi­cié d’une impor­tante cou­ver­ture média­tique : « Plein de gens avaient enten­du par­ler de ce qu’on fai­sait, et beau­coup de cinéastes nous avaient contacté·es pour uti­li­ser ce qu’on développait. »

Depuis plu­sieurs années, le scien­ti­fique fabrique des camé­ras ultra­sen­sibles, capables de détec­ter la moindre par­celle de lumière. « Même si nos camé­ras ne peuvent pas être uti­li­sées direc­te­ment dans un contexte ciné­ma­to­gra­phique, pré­cise-t-il, c’est tout l’avancement de l’imagerie numé­rique qui peut béné­fi­cier au domaine ciné­ma­to­gra­phique, et inversement. »

La camé­ra poin­tée vers le ciel

Même si Oli­vier Daigle affirme ne pas être un expert du ciné­ma, le sep­tième art a tou­jours joué un rôle impor­tant dans sa vie : « Le ciné­ma m’a tou­jours accom­pa­gné dans ma car­rière. Comme j’ai tou­jours été inté­res­sé par la pho­to, j’ai sou­vent pu me frot­ter au cinéma. »

Ain­si que l’explique le scien­ti­fique, son intro­duc­tion à l’astrophysique et à la pho­to­gra­phie se sont dérou­lées de manière simul­ta­née : « Un de mes oncles s’est ache­té un petit téles­cope et me l’a mon­tré quand j’étais en qua­trième année. L’année d’après, je dis­tri­buais le jour­nal comme came­lot, et j’ai déci­dé de m’acheter un téles­cope, un peu plus gros, avec l’argent que je gagnais. »

Des téles­copes, il est ensuite pas­sé aux appa­reils pho­tos : « La pho­to­gra­phie, je m’y suis inté­res­sé très tôt. Ça a com­men­cé avec un petit appa­reil à focus fixe, je l’ai ache­té quand j’avais douze ou treize ans. J’ai ensuite eu un vieux reflex, dont je pou­vais chan­ger les len­tilles, qui appar­te­nait à mes parents. »

Len­te­ment, son objec­tif s’est tour­né vers le ciel. « Au fil du temps, j’ai com­men­cé à ache­ter mon propre maté­riel. Avec mon téles­cope, j’essayais de prendre des pho­tos du ciel – sur pel­li­cule, ce qui était assez ardu ! – pour mieux voir ce que je ne pou­vais voir à l’œil nu. »

Mais le ciné­ma n’était jamais bien loin. Oli­vier Daigle se sou­vient d'un épi­sode mémo­rable de sa vie, un voyage en Inde et au Bré­sil, durant lequel il a tra­vaillé comme camé­ra­man pour le pro­jet de sa conjointe réalisatrice.

Si le ciné­ma et la science se sont tou­jours côtoyés dans sa vie, explique l’entrepreneur, c’est peut-être aus­si parce qu’ils nous font tous les deux com­prendre le monde et voir plus grand : « Dans les films de science-fic­tion, les thèmes abor­dés sont sou­vent repré­sen­ta­tifs des défis aux­quels font face l’humanité. Aujourd’hui, ce sont des films pos­ta­po­ca­lyp­tiques qui se penchent sur l’impact des chan­ge­ments climatiques. »

« Avec un téles­cope, on voit des choses qui sont cachées, et ça révèle tout l’aspect infi­ni du monde. C’est en regar­dant le ciel qu’on se rend compte qu’à l’échelle de l’univers, on est juste un grain de sable. »